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Kruger investit à son usine montréalaise de cartonnage pour atteindre de nouveaux marchés et réduire son empreinte carbone

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Le gouvernement du Québec appuie le projetÇa joue du coude dans l’industrie des pâtes et papiers. Nous ne lisons pratiquement plus de journaux « physiques », par contre l’explosion du commerce électronique fait en sorte que les boîtes de carton n’ont jamais été aussi en demande.Stéphane Deshaies, directeur général de l’usine Kruger Place Turcot de Montréal, explique que cela a incité plusieurs fabricants de papier à convertir leurs usines vers la production de carton, venant encombrer le marché qu’occupait déjà Kruger avec ses cartons recyclés à 100 %.

« Si on continuait ou si on ne faisait rien, on devenait de moins en moins compétitifs sur les marchés par rapport aux nouveaux joueurs », dit-il en entrevue au Magazine MCI.

Et Kruger a agi, en entamant une démarche de diversification et d’amélioration des produits fabriqués à Place Turcot. Ça a nécessité des investissements de 30 millions $, dont 3 proviennent d’une aide financière du gouvernement du Québec, pour moderniser l’usine de 780 000 pieds carrés, où travaillent 150 personnes.

Moins de gaz naturel

La principale innovation est l’installation d’une boîte à vapeur, qui permet de mieux contrôler le degré d’humidité du papier utilisé pour la fabrication de carton.

« Les deux principaux facteurs qu’on visait, c’était l’amélioration de la qualité et l’amélioration de l’efficacité énergétique », indique M. Deshaies.

Auparavant pour contrôler le profil d’humidité, une fois qu’on avait séché le papier au niveau désiré à la vapeur, des équipements mesuraient son profil d’humidité. En cas de besoin il fallait ramener l’humidité à la hausse en remouillant le papier à l’aide de petits jets d’eau, puis sécher de nouveau avec de la vapeur produite avec de l’énergie fossile.

« Ça veut dire qu’on dépensait de l’énergie pour sécher le papier et après on remouillait le papier pour uniformiser le profil d’humidité », explique M. Deshaies.

La boîte à vapeur fait environ 1 pied carré de surface, sur toute la largeur de la machine à carton, soit 150 pouces.« La boîte à vapeur est munie de 56 actuateurs. Ça veut dire qu’on peut contrôler 56 zones de 3,5 pouces chacune sur 150 pouces de largeur », nous dit le directeur d’usine.

« L’idée c’est qu’on n’est plus obligés de remouiller la feuille, donc le fait qu’on n’applique plus de l’eau directement sur le papier, ça fait des économies de vapeur significatives. Et la vapeur, ici à Place Turcot, elle est produite à partir de gaz naturel », ajoute M. Deshaies.

Il est estimé que la nouvelle technologie entraînera une diminution de la consommation de gaz naturel qui équivaut à une réduction estimée de 2 290 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) annuellement.La beauté de tout ça, c’est qu’en uniformisant le produit, on en améliore du même coup la qualité, permettant d’attirer de nouveaux acheteurs, jusque-là réticents à utiliser du carton recyclé et préférant plutôt la pâte kraft faite de fibre vierge provenant notamment des copeaux générés par les scieries.

« Nous, c’est 100 % recyclé et on avait toujours un désavantage par rapport au marché de la fibre vierge, parce que notre qualité n’était pas au même niveau. L’investissement qu’on vient de faire va faire en sorte qu’on va améliorer la qualité du produit fabriqué ici à l’usine de Place Turcot », explique notre invité.

« L’amélioration de la qualité nous permet d’aller vers des produits à valeur ajoutée », ajoute-t-il.

Uniformité de la fibre

En plus de la boîte à vapeur évoquée plus haut, Kruger a installé à Place Turcot ce qu’il est convenu d’appeler une caisse d’arrivée à dilution. C’est l’endroit où la fabrication du papier commence, là où le mélange eau et pâte est introduit sur la machine à papier.La nouvelle caisse d’arrivée, plus sophistiquée, permet de mieux contrôler le profil de poids sec, lui aussi à tous les 3,5 pouces.

« La nouvelle caisse d’arrivée nous permet d’uniformiser la quantité de fibre sur le sens du travers de la machine », dit M. Deshaies, ajoutant que « Ce nouvel équipement est capable de mesurer des paramètres de qualité qu’il n’était pas possible d’obtenir auparavant. »

Cela engendre aussi une hausse de la productivité par la baisse des pertes en cours de production. Bref, moins de matière recyclée à re-recycler, un procédé qui exige de l’énergie.Les nouvelles machines réduisent par ailleurs les tâches de contrôle manuel par les opérateurs.

« À partir de maintenant, ça va être un ordinateur qui va être capable de contrôler, sous la supervision de nos opérateurs » indique M. Deshaies.« En améliorant notre qualité, on est capables de migrer vers des produits plus de niche », ajoute-t-il.

Nouveaux produits

Parmi ces nouveaux produits, on trouve de petites boîtes de carton qui respectent les normes alimentaires.Elles seront notamment destinées à servir d’emporte-restes (le bon vieux « doggy bag ») pour les restaurants. La pratique de ramener ses restes à la maison pour les consommer plus tard est excellente pour contrer le gaspillage alimentaire.C’est cependant beaucoup moins écolo lorsque la boîte en question est faite de plastique ou de styromousse. Avantage : carton recyclé à 100 %.

Place Turcot pourra dorénavant aussi desservir le marché de la construction, avec des cartons qui enrobent les feuilles de gypse ou encore des cartons encollés qui donnent plus de rigidité aux feuilles de matériaux isolants.

Économie circulaire

Lors de l’annonce de la participation du gouvernement du Québec à la modernisation de l’usine montréalaise, le vice-président corporatif – Fibres, biomatériaux et durabilité chez Kruger, Maxime Cossette, a déclaré : « Cet investissement essentiel dans l’avenir de notre usine de cartonnage de Place Turcot permettra de consolider sa position d’acteur clé de l’économie circulaire. »

Il faut savoir que 85 % de l’alimentation en matière première, le carton à recycler, provient de la région de Montréal. À quoi bon réduire l’empreinte carbone d’une usine si on l’approvisionne avec des camions qui doivent parcourir de longues distances en émettant du CO2 ?

« Vu qu’on est un gros consommateur de matières recyclées, on a une division qui se consacre à l’achat de la matière première, qu’on appelle la division recyclage, qui est située à proximité des installations de l’usine Place Turcot », souligne M. Deshaies, précisant que ces cartons à recycler proviennent de centres de tri ou de consommateurs privés tels que des usines ou des commerces, ou encore des tours à condos qui génèrent de gros volumes.

La ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a tenu à saluer tous ces efforts.

« C’est toujours satisfaisant de voir une entreprise comme Emballages Kruger travailler à améliorer sa compétitivité en faisant des choix stratégiques basés sur l’analyse des marchés et sur une volonté d’offrir des produits issus du bois toujours plus écoresponsables », a-t-elle déclaré

Pour Stéphane Deshaies, l’arrêt de production de 5 jours de son usine pour l’installation de la nouvelle machinerie, début avril, en aura valu la peine.

« À l’heure actuelle, les résultats qu’on obtient sont au-delà de nos espérances. Les objectifs qu’on s’était donnés sont atteints et même dépassés », conclut notre invité.

Par Eric Bérard

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