Par Claude Boucher
Le transport maritime de marchandises est de loin le mode de transport qui émet le moins de GES par tonne de marchandises transportées sur un kilomètre. Toutefois, ça n’empêche pas l’industrie du transport maritime de chercher constamment à mieux performer sur le plan environnemental. C’est dans cet esprit et avec cet objectif qu’a vu le jour en 2007 l’Alliance verte, un organisme de certification de l’industrie maritime d’Amérique du Nord visant à surpasser la règlementation environnementale.
L’Alliance verte réunit dans cet objectif des armateurs, des ports, des terminaux, des chantiers maritimes et les corporations de la Voie maritime basés au Canada et aux États-Unis. Mais c’est dans une vision inclusive des groupes environnementaux et autres parties prenantes que l’organisme a été mis sur pied en 2007, dans le contexte de la crise des moules zébrées introduites dans l’écosystème du Saint-Laurent et des Grands Lacs via les eaux de ballast des navires.
« À l’époque, il y avait les groupes environnementaux d’un côté, l’industrie de l’autre, surtout sur le dossier des espèces aquatiques envahissantes, et ça ne se parlait pas beaucoup », nous dit David Bolduc, président de l’Alliance verte. « Donc le but de l’Alliance verte était de ramener tout ce monde-là ensemble, dans une optique de travailler à améliorer la performance environnementale de l’industrie. Dès le départ, afin de bien asseoir notre crédibilité, on a invité les groupes environnementaux, les scientifiques, les gouvernements à s’associer à la création de l’Alliance. Comment on monte le programme, quels seront les critères, comment on évalue la performance, ils étaient autour de la table avec nous pour tout mettre ça en place. »
L’Alliance a donc mis sur pied un programme de certification des entreprises et organismes partenaires, pour chiffrer de façon claire les progrès accomplis. Des indicateurs de performance spécifiques ou communs aux différents acteurs ont été établis. Du bruit sous-marin aux émissions de gaz à effet de serre, en passant par le contrôle des espèces aquatiques envahissantes et la gestion des matières résiduelles, tout est scruté de manière transparente pour certifier les partenaires. La progression des participants s’évalue annuellement, sur une échelle de 1 à 5, avec des indicateurs de performance qui surpassent les normes et la règlementation. Et tout ça, totalement accessible sur le site Internet de l’Alliance.
« C’est ce qui nous distingue aussi comme organisme de certification », souligne David Bolduc. « Tous peuvent aller sur notre site web et consulter les critères et la performance de chaque entreprise sur chacun des enjeux environnementaux. »
Impliqué dès les balbutiements de l’Alliance verte, David Bolduc constate un regain d’intérêt pour améliorer la cote environnementale de l’industrie du transport maritime. Selon lui, l’environnement est devenu au fil des ans une priorité de plus en plus importante.
« Ça fait 15 ans que je travaille sur ces questions, et au début, on se sentait un peu missionnaire. Mais on a fait partie de ce mouvement-là, qui a changé les mentalités au fil des ans, pour que ça prenne de plus en plus de place, qu’il y ait des engagements fermes à s’améliorer. Et évidemment, il y a la pression externe, on voit tous les changements climatiques en cours. La règlementation est de plus en plus exigeante, et même au niveau international, il y a une organisation mondiale, l’Organisation maritime internationale, qui détermine le cadre règlementaire pour diverses choses, dont les normes environnementales. Et ces normes sont en train de se renforcer. »
En 2019, l’Alliance verte a collaboré avec Surfrider Foundation Europe afin d’exporter le programme de certification environnementale en France, ce qui a donné naissance à Green Marine Europe en 2020. Le programme de certification environnementale européen fonctionne selon le même modèle qui a fait ses preuves ici en Amérique du Nord.
Parmi les enjeux qui touchent l’ensemble de l’industrie, le recours à de nouveaux carburants ou de nouvelles sources d’énergie occupe une grande place. Toutefois, en ce qui a trait à la motorisation des navires, cette transition énergétique prendre du temps, nous dit David Bolduc.
« Les navires consomment de très grandes quantités de carburant. Et ce sont des investissements à long terme. Quand on achète un navire, il peut durer plusieurs décennies. Il y a des enjeux de formation de la main-d’œuvre, de sécurité, d’approbation de nouveaux systèmes, il faut que la chaine d’approvisionnement soit là aussi. C’est un enjeu majeur pour toutes les filières de carburant alternatif, comme le gaz naturel liquéfié ou l’hydrogène. Le GNL a de l’avance sur les autres, mais on est encore évidemment dans du combustible fossile. »
Une avenue intéressante pour réduire ces émissions, c’est l’alimentation des navires à quai en hydroélectricité, ce qui permettrait de diminuer le besoin de recourir aux moteurs et groupes électrogènes des navires pour répondre à leurs besoins énergétiques lorsqu’ils sont au port. Des projets en ce sens sont en phase d’implantation, notamment au Port de Montréal où un navire ravitailleur, le Juno Marie, se branche sur une alimentation 600 V/200 A lorsqu’il est à l’arrêt.
« Mais les enjeux techniques sont aussi majeurs », souligne David Bolduc. « Quand il y a un navire de croisière de 2000 personnes qui arrive, c’est une véritable petite ville flottante. Ça prend des installations qui sont prêtes, un réseau électrique qui est prêt. Ce n’est pas que le port qui est impliqué, c’est la ville autour, c’est Hydro-Québec, ce sont des investissements importants. Autre enjeu très important aussi, c’est la standardisation en termes de courant électrique, de connecteurs, etc. »
Pour l’heure, l’électrification des installations portuaires progresse là où les navires sont plus petits et ont des opérations limitées en distance, comme les traversiers.
Le gouvernement fédéral a mis en place, en décembre dernier, un nouveau programme de financement et de soutien aux initiatives environnementales pour l’industrie maritime, le programme de corridors maritimes verts. Ce programme, doté d’une enveloppe budgétaire de 165,4 millions $, vise à appuyer l’adoption de technologies et d’infrastructures propres dans les ports et les terminaux, ainsi que le développement de navires fonctionnant à l’hydrogène vert ou à des biocarburants avancés.
Déjà, un premier corridor maritime vert a été annoncé entre les ports de Montréal et d’Anvers en Belgique. Le Port de Montréal travaille aussi en collaboration avec Oceanex et QSL à la création d’un premier corridor maritime vert entre Montréal et Saint-Jean Terre-Neuve.
Dans les Grands Lacs, le port d’Hamilton se positionne pour fournir du biodiesel, pour des compagnies comme Canada Steamship Lines.
« Comme dans tous les autres projets, il y a des enjeux d’approvisionnement, la CSL l’a fait, est-ce qu’on aurait la capacité pour que toutes les compagnies utilisent du biodiesel? À l’heure actuelle, non, la production n’est pas là. Mais c’est un processus, et c’est vraiment important que le gouvernement soutienne ces projets. Parce que les coûts et le risque sont assez importants. Acheter un nouveau navire, c’est un investissement pour longtemps. Si on l’équipe avec un moteur qui utilise un carburant alternatif, c’est tout un risque que l’entreprise prend. C’est important que le gouvernement joue un rôle pour encourager l’innovation le plus rapidement possible. »
Mais même s’il s’agit d’un investissement important, le programme de corridors maritimes verts, c’est une goutte d’eau dans les quelque 11 milliards de dollars qui auront été dépensés entre 2018 et 2027 pour améliorer le transport maritime sur les Grands Lacs et la voie maritime du Saint-Laurent, selon un sondage effectué par la firme Martin Associates pour le compte de nombreux partenaires de l’industrie.
Au-delà des performances en termes de diminution des émissions, l’Alliance verte applaudit les projets mis sur pied par plusieurs organismes de gestion portuaires, comme le Port de Sept-Îles et l’Institut de recherche en environnement et en santé au travail (INREST), qui ont déployé le 3 avril 2024 la première bouée scientifique du projet Enviro-Actions. Avec deux stations fixes, les appareils mis en place permettront d’obtenir en temps réel des données sur la qualité de l’eau de la baie de Sept-Îles et d’émettre des alertes en cas de dépassement de seuils établis afin de pouvoir agir en mode préventif.
David Bolduc souligne aussi le projet Mars en face de Rimouski, une station de recherche en acoustique marine avec des hydrophones. Quatre antennes d’hydrophones autonomes et connectés permettent de mesurer le bruit ambiant et la signature acoustique sous-marine des navires candidats sans que ceux-ci aient besoin de se dérouter de façon notable.
« Plusieurs armateurs du Québec participent à ce projet. C’est un projet pour le bruit sous-marin, qui établit la signature acoustique des navires, afin de trouver des façons de réduire l’impact sur les mammifères marins. »
L’Alliance a son siège social à Québec, mais a des antennes à Saint-Jean Terre-Neuve et Labrador, ainsi qu’à Seattle aux États-Unis. Le site Internet de l’Alliance verte est des plus complets. Pour en savoir plus sur les membres de l’Alliance, consultez le score de performance des entreprises et organismes participants, ou pour évaluer l’opportunité pour votre entreprise d’obtenir cette certification, consultez le www.allianceverte.org.
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