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Industrie du bois au Québec. La faible valeur du huard ne suffit pas

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Michel Vincent est directeur du service économie et marchés au Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ). Au moment de notre entretien au début de mars, pour le bois de qualité 2’’ X 4’’ no 2 et meilleur, le prix sur le marché était de 365 $ US pour 1000 pieds mesure de planche (PMP), soit environ 489 $ CA (le dollar canadien valait alors 0,74 $ US).

« Au Québec, ce n’est pas juste du bois de cette qualité que nous produisons. Si c’était le cas, nous ne serions pas en train de nous parler », dit-il.

Dans le contexte du marché favorable aux acheteurs, la faiblesse du dollar canadien ne change pas grand chose. La prime de 30 % fournie par la devise est annulée par un prix dévalué de 30 %, explique Michel Vincent.

« Les acheteurs de bois aux États-Unis savent que le marché leur est favorable, car la demande est faible. Ils arrivent à imposer des prix plus faibles aux producteurs américains. »

L’Accord nord-américain sur le bois d’œuvre résineux (ABR), signé en 2006, est échu depuis l’automne 2015. Les parties ayant choisi de ne pas le renouveler, il est désormais trop tard pour le remettre en vigueur. Pour l’instant, les deux pays n’en sont qu’à l’étape des discussions exploratoires. Le Québec essaiera de faire valoir les mérites du mécanisme des enchères et des autres changements apportés au régime forestier en vigueur au Québec.

Au Québec depuis avril 2013, le quart du volume de bois disponible en forêt publique est vendu aux enchères par le Bureau de mise en marché du bois. « Notre système a été conçu pour satisfaire les exigences des producteurs américains », explique Michel Vincent.

Il estime que le mécanisme des enchères du Québec offre un indice plus fiable de la valeur accordée par le marché au bois que son équivalent aux États-Unis, où le tiers des approvisionnements des usines provient de la forêt publique.

Tout est en place

Selon l’économiste du CIFQ, le marché de la construction ne peut que s’améliorer dans les prochaines années aux États-Unis. Tous les indicateurs sont au beau fixe. Il admet que les économistes prédisent cette embellie du marché du bois d’œuvre depuis trois ou quatre ans, et elle n’arrive toujours pas. « Quand ça va repartir, nous aurons de la misère à fournir la demande », dit-il.

La satisfaction des besoins démographiques normaux devrait déjà faire augmenter la demande de maisons neuves, où la structure de bois est toujours privilégiée. La moyenne historique de construction de nouvelles unités est autour de 6,5 maisons par 1000 habitants de plus dans la population du pays. Au pire de la crise financière, le ratio a chuté à environ 2 maisons par 1000 habitants. La population américaine augmente d’environ 3 millions de personnes par année.

La proportion de propriétaires-locataires est en moyenne de 65 %, et elle avait grimpé à 70 % au pic de la bulle immobilière, avant de chuter à 60 %. La remontée vers la moyenne historique contribuera à augmenter la demande pour le bois d’œuvre.

L’éclatement de la bulle immobilière a laissé un vaste parc de maisons à vendre, dont bon nombre de construction très récente. La durée moyenne de la mise en vente sur le marché a atteint 12 mois au creux du marché immobilier. La situation est revenue à la normale, à trois ou quatre mois. Et l’inventaire de maisons neuves est aussi à un creux historique, ajoute-t-il.

Les dépenses de consommation représentent 71 % du PIB aux États-Unis. « Nulle part ailleurs dans le monde ce pourcentage est plus élevé. C’est pour cela que l’indice de confiance est si important quand on mesure l’état de santé de l’économie américaine. » Quand la confiance est présente aux États-Unis, il se forme un million de nouveaux ménages par année. Ça ne se traduit pas automatiquement par la construction d’une maison, mais en louant un appartement, ces gens provoquent plusieurs déménagements, et une bonne proportion de nouvelles maisons en découlent par effet domino.

La situation du Québec

Plus les pièces de bois sont de bonne taille, meilleur leur prix est. Le Québec est désavantagé, car la valeur moyenne de son panier de produits est inférieure aux autres provinces. « Le diamètre moyen des arbres qu’on récolte est de 5 pouces (12,5 cm). On ne peut donc produire beaucoup de 2’’ X 6’’ avec cela. » Le Québec est quand même le champion canadien en matière de valeur des produits issus de la 2e et 3e transformation du bois.

Les scieries ne font pas d’argent depuis un bon moment, souligne Michel Vincent. En conséquence, les investissements dans les usines ont été insuffisants depuis 15 ans.

« On ne sent pas le goût et la volonté d’investir, le climat n’est pas propice au Québec », estime-t-il. Il y a trop d’insécurité et d’instabilité du côté des approvisionnements, tant pour le prix que le volume. Ce cercle vicieux n’est toujours pas résolu au Québec.

Certaines entreprises familiales qui sont en affaires depuis plusieurs décennies ont su moderniser leurs usines et diversifier leur gamme de produits. « Les bons projets et les bons dirigeants trouvent du financement », confirme M. Vincent.

Chez Maibec, dont les installations de Saint-Pamphile s’approvisionnent principalement en bois provenant des forêts privées de l’État du Maine, on a réussi à investir 20 millions de dollars (M$) dans la scierie en 2014. En même temps, l’entreprise a poursuivi son expansion dans la production de bardeaux de cèdre et de lambris. Début février 2016, Maibec a annoncé l’acquisition de l’usine Les Cèdres Balmoral, au Nouveau-Brunswick.

Nordic Structure, filiale des Chantiers Chibougamau, se spécialise dans les produits de bois d’ingénierie de longue portée. Cette firme est ainsi partenaire de plusieurs projets de construction d’édifices de six étages et plus sur une structure en bois. Le projet Origine, à Québec, comprend 12 étages sur une structure en bois posée sur un podium en béton. La livraison est attendue au printemps 2017.

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