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Industrie de la canneberge au Québec – La réussite des innovateurs

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Jacques Painchaud, conseiller en production maraîchère et fruitière au MAPAQ, se souvient bien des circonstances qui ont amené l’industrie au bord du gouffre.

« Les Américains sont les plus grands consommateurs mondiaux de canneberges. Ce fruit est un produit de luxe. Alors quand la crise a frappé, les consommateurs ont réduit leur consommation et les inventaires se sont mis à grossir. L’offre est devenue trop grosse. »

Conséquence, de 0,83$ par livre, les prix reculent jusqu’à 0,13 $ en 2009. Les producteurs les moins solides ferment alors boutique, rachetés par les plus gros qui renforcent leur position. Cela n’est toutefois pas suffisant. « Les producteurs se sont mis en mode action et l’industrie a dû se renouveler », souligne Jacques Painchaud.

Congeler pour mieux transformer

Premier changement, les producteurs ont construit des congélateurs, sachant que cette étape était moins onéreuse à réaliser du côté canadien et qu’elle permettrait d’attendre une amélioration de la situation. De 2010 à 2016, trois nouveaux producteurs indépendants et regroupement de producteurs ont bâti des entrepôts pour les fruits congelés. Les transformateurs déjà établis ont pour leur part multiplié par quatre leur capacité d’entreposage.

C’est le cas de Canneberges Bieler. Son propriétaire, Marc Bieler, aujourd’hui âgé de 79 ans, a été le deuxième producteur de canneberges à s’établir dans la province. En 1983, aucune banque n’a voulu l’aider à démarrer. Pomiculteur à l’époque, il a pris ses économies et a implanté de manière indépendante son premier champ de canneberges.

« J’ai commencé en vendant du jus. Aujourd’hui, nous avons des congélateurs qui servent à alimenter notre usine Atoka. Cette dernière fonctionne 365 jours par année. Nous transformons près de 30 millions de livres par année à notre usine et nous embauchons 150 personnes à temps plein. »

De la canneberge dans tous les rayons

Si Atoka tire si bien son épingle du jeu, c’est que l’entreprise n’a pas cessé d’innover et d’investir. Uniquement l’an dernier, les équipements ont été modernisés pour augmenter la productivité de l’usine. Coût de l’investissement : 10 millions de dollars. Côté commercialisation, Marc Bieler le dit sans détour, ce n’est pas le concentré de canneberge pour faire des jus qui fait en sorte que son usine fonctionne à plein régime, mais tous les produits dérivés.

« La consommation de jus de toutes les saveurs est en diminution. Ce qui donne un coup de main, ce sont les Kraft et Kellogg’s de ce monde qui mettent la canneberge dans leurs produits », soutient l’homme d’affaires.

Il n’hésite pas d’ailleurs à dire qu’il veut continuer de croître et qu’il est à la recherche d’un partenaire commercial de l’industrie de la transformation. Les géants de l’alimentation ne sont pas les seuls à avoir intégré ce petit fruit dans leurs recettes. Aujourd’hui, on en retrouve dans pas moins de 2 000 produits alimentaires et non alimentaires, qui vont des sacs de canneberges séchées sucrées à différentes saveurs aux préparations pour gâteau, en passant par des breuvages, le dentifrice et même la nourriture pour animaux.

« Il y a trois usines de transformation de la canneberge au Québec. Cela favorise bien sûr l’industrie, mais il y a aussi les recherches et le développement qui assurent l’avenir. Beaucoup de recherches se sont orientées sur les effets santé de la canneberge, tant pour les humaines que les animaux. En ce moment, des chercheurs travaillent à ajouter de la canneberge à la nourriture pour les porcs, afin de réduire l’administration d’antibiotiques », souligne Monique Thomas, directrice de l’Association de producteurs de canneberges du Québec (APCQ).

Sortir du lot

Le marché canadien ne représente qu’environ 4 % du volume global de la consommation de canneberges. Pour aider à stimuler la consommation, l’APCQ a investi 100 000 $ en publicité générique et en promotion concernant les effets santé de ce petit fruit rouge. Malgré tous ces efforts, le fruit n’est pas encore consommé en masse.

« Il y a encore des gens qui la découvrent. Il faut continuer les efforts de promotion, car le marché est loin d’être saturé », affirme Monique Thomas.

Fruit d’Or, le plus grand transformateur de canneberges biologiques, a compris que pour se tailler une place, il devait sortir du lot. Évidemment, le fait d’offrir de la canneberge biologique n’est pas étranger à son succès, compte tenu de la popularité de cette appellation, mais il y a plus.

« On exporte 80 % de nos produits, mais la canneberge n’est pas connue en Asie. Nous croyons en cette avenue, mais tout passe par l’innovation. On travaille en ce moment sur des aliments fonctionnels avec des vertus sur la santé, comme des purées de canneberges aseptiques, de l’huile de pépin et les nutraceutiques », souligne Simon Bonin, agronome chez Fruit d’Or.

La science au service des industrielles

Pour aider les transformateurs à aller plus loin, cinq industriels ont décidé de croire en l’industrie et ont investi dans une chaire de recherche de la canneberge, en collaboration avec l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval. En tout, 12 projets sont en cours.

Parmi eux, un se concentre sur les problèmes d’acidité du jus de canneberge. Le principe consiste à appliquer une charge électrique sur un contenant rempli de jus, compartimenté par des membranes et muni d’électrodes à chaque extrémité. Les molécules du jus migrent d’un compartiment à l’autre en fonction de leur charge. Les résultats sont spectaculaires avec un taux de désacidification atteignant 40% en trois heures et 80% en six heures.

« La beauté du système, c’est que tous les polyphénols sont conservés. En plus, c’est une technologie verte qui ne fait pas intervenir de produits chimiques, qui ne produit pas de résidus et que l’on peut appliquer à d’autres secteurs agroalimentaires », mentionne Laurent Bazinet, chercheur et professeur titulaire à l’Université Laval.

Par Julie Roy

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