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Gilles Pansera, président d’honneur du Salon industriel de l’Estrie – LE VIRTUOSE DES AFFAIRES

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Le rendez-vous a été fixé à 10 heures précises, à Lac-Mégantic, dans son bureau de président de Panolite, première usine au Canada dédiée à la fabrication de panneaux légers. En ce vendredi 30 juin, veille du congé férié de la Fête du Canada, l’usine est déserte. L’homme qui m’accueille a davantage l’air d’un chef d’entreprise que d’un virtuose du violon.

Pour ce fils d’immigrant, né d’un père suisse-italien grand commerçant automobile et d’une mère italienne émigrés en France lors de la Seconde Guerre mondiale, la voie des affaires était loin d’être tracée. À cinq ans déjà, ce natif de la ville de Reims, en Champagne-Ardenne, voit ses parents l’inscrire à des cours de violon classique. Comme son frère aîné, il devient violoniste classique de formation, remportant même un prix de Conservatoire. Parvenu à l’adolescence, il quitte le Conservatoire et se tourne vers le droit. Après son examen de notaire, il fonde en 1975 un cabinet d’affaires spécialisé dans le droit immobilier et le droit des entreprises. « C’est là que j’ai reçu la piqûre des affaires », précise le notaire musicien.

Au début, les choses vont assez bien. Mais, graduellement, le climat social et politique en France se dégrade. L’élection, en 1982, du président socialiste François Mitterrand, sonne le départ de nombreux adeptes de la libre entreprise.

« Ce n’était pas du tout dans mon idéologie politique personnelle ni familiale. Le système bancaire a pris la claque. Plein de gens sont partis. Les affaires étaient devenues beaucoup trop difficiles. On sentait qu’il y avait un resserrement partout. »

Partir, mais aller où?

« Je cherchais un pays francophone. Puis, avec toujours en tête mes rêves de grands espaces, de nature et de lacs, je me suis dit : pourquoi pas le Canada ? »

Les Pansera arrivent à Montréal en juillet 1982. Pendant un mois, ils explorent leur nouvelle patrie d’adoption. Puis, en août, une annonce parue dans La Presse attire leur attention : un commerce de spécialités françaises est à vendre à Lac-Mégantic. Sans avoir jamais entendu parler de cet endroit, ils s’y rendent, principalement par curiosité.

« Ce qui m’a plu surtout, ce sont les lacs et la montagne à Lac-Mégantic. Ça me rappelait un peu la Suisse et l’Italie, et ça rejoignait la vision idyllique que je me faisais du Québec et du Canada. »

La chance leur sourit. Chemin faisant, ils trouvent une superbe maison en pierre à louer, au bord du lac, et une école pour leur fils aîné. La famille Pansera se rend ensuite visiter le commerce de charcuterie à vendre annoncé dans La Presse. Les pourparlers ne traînent pas. Les Pansera se portent acquéreurs du petit commerce.

De notaire à charcutier

À l’automne 1982, la Charcuterie des cantons ouvre ses portes. L’exotisme du couple français opère à Lac-Mégantic. De 1982 à 1985, les clients aiment les tables d’hôte servies le midi et les dégustations de plateaux de fromages, avec animation musicale occasionnelle en soirée au violon de Gilles Pansera.

« Après quelques mois, j’ai monté une école de violon pendant que ma conjointe s’occupait de la charcuterie. J’ai commencé à donner des cours de violon. Je jouais aussi du violon lors d’occasions spéciales. Et je suis devenu membre du Club Rotary. C’est comme ça que j’ai découvert la communauté d’affaires de Mégantic. Ça m’a beaucoup aidé», admet aujourd’hui Gilles Pansera.

Le chant des sirènes de l’industrie se fait entendre. Difficile d’y résister quand on est musicien. Gilles Pansera est sollicité pour devenir commissaire industriel. Il cède. Il occupera ce poste de 1985 à 1990.

Avec un taux de chômage dans la région qui atteint 27 %, le défi sera colossal. Le bilan de ce quinquennat est étourdissant : 47 nouvelles entreprises se sont établies dans le secteur industriel ; plus de 1000 emplois manufacturiers sont créés dans la région de Mégantic.

Recherche d’investisseurs: la Grande séduction

Si tout va bien pour les initiatives locales, il reste un mandat plus difficile : faire de la prospection d’investisseurs. Avec des moyens limités qui interdisent toute mission d’exploration commerciale et industrielle à l’extérieur du territoire, l’ancien notaire fait preuve d’originalité et d’imagination. Il se revoit comme immigrant lorsqu’il est arrivé à Montréal dans les bureaux de la Délégation générale du Québec. Lors d’une visite au Consulat de France, Place Bonaventure à Montréal, il se souvient tout à coup que les consulats et les autres délégations commerciales étrangères étaient logés dans ce même édifice.

Multipliant les aller-retour hebdomadaires dans la métropole, avec un maigre budget de 100 $ par semaine, l’ingénieux commissaire industriel finit par frapper son premier coup sûr : une entreprise belge, de type boulangerie-chocolaterie, choisit de s’installer à Lac-Mégantic.

En parallèle, avec la complicité d’un fonctionnaire du gouvernement fédéral, en 1987, il se rend à Atlanta rencontrer un industriel espagnol qui fabrique des disques à polir, un outil essentiel pour les granitiers de la région de l’Estrie. La grande séduction opère comme par magie. Un partenariat avec Granit Bussières, de St-Sébastien, est conclu avec l’investisseur espagnol. « Ç’a été le premier investissement espagnol manufacturier d’importance au Canada », énonce fièrement Gilles Pansera.

Dans les ligues majeures

Un deuxième coup de circuit se prépare. Au terme de tractations rocambolesques, notre frappeur de relève parvient à convaincre la société espagnole Tafisa d’investir dans la construction d’une usine à Lac-Mégantic. Elle deviendra bientôt la plus importante usine de panneaux de particules en Amérique du Nord. Aujourd’hui, elle représente un investissement de plus de 300 millions $.

Le commissaire industriel joue maintenant dans les ligues majeures. Avec ce palmarès impressionnant de succès consécutifs, c’est au tour de la grande industrie de lui faire de l’œil.

En 1989, Industries manufacturières Mégantic, l’usine de déroulage de billots de bois de merisier pour placage de panneaux de portes, est en grande difficulté financière. Elle l’avait été en 1985. La direction veut vendre, à défaut de quoi, elle devra fermer ses portes. En tout, 200 emplois sont en jeu. Claude Paradis, complice et ami, est président de la Corporation de développement économique depuis 1985. Le « patron » du commissaire industriel lui suggère de former un groupe d’investisseurs et de se porter acquéreur de l’entreprise.

C’est ce que fait Gilles Pansera qui, avec un groupe d’associés, achète l’entreprise en 1990. C’est ainsi que notre violoniste de formation fait son entrée officielle dans le cercle des grands industriels.

« J’ai annoncé ma démission comme commissaire industriel pour reprendre l’entreprise et ne pas être ainsi en conflit d’intérêt. Les gens étaient contents parce qu’on sauvait une entreprise qui, autrement, allait fermer. Mais en même temps, ils perdaient un commissaire industriel», évoque l’homme d’affaires devenu président directeur général des Industries Manufacturières Mégantic, poste qu’il occupera de 1990 à août 2007.

Masonite: le grand chelem

L’entrée en scène de Masonite, plus grand fabricant de portes en Amérique du Nord et grand acheteur de panneaux pour en fabriquer, marque un autre tournant décisif. À la fin des années 1990, les ventes annuelles atteignent le plateau des 50 millions $. L’usine emploiera jusqu’à 300 personnes. Les négociations et tractations ont duré un an.

Entretemps, le rusé entrepreneur de Lac-Mégantic réfléchit à un projet d’usine de panneaux légers à Lac-Mégantic.

Par Roger Clavet

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