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Feb

GES: une approche québécoise plus rigoureuse, mais des cibles loin d’être atteintes

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Approche provinciale versus l’approche fédérale

Au Québec, le système fonctionne selon un principe de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (GES). En gros, les grandes entreprises polluantes qui sont les papetières, les raffineries, les alumineries, les usines de chaux, de bouletage et de pétrochimie (une centaine d’entreprises en tout), se voient imposer par le gouvernement une limite de GES qu’elles peuvent rejeter dans l’atmosphère. Celle-ci diminue progressivement chaque année afin de les inciter à adopter des pratiques écoresponsables, que ce soit en améliorant leur efficacité énergétique ou en utilisant les énergies renouvelables. L’objectif, ramener les émissions de GES à 20 % en dessous du niveau de 1990 d’ici 2020 et de 37.5 % d’ici 2030.

Le gouvernement fédéral propose une tarification du carbone de deux types : une taxe (redevance) sur le carbone dès 2018, pour les produits pétroliers et le gaz naturel utilisés en transport et dans les bâtiments, combinés à un régime de tarification fondé sur le rendement pour les plus grands émetteurs de plus de 50 000 tonnes de CO2 par an avant 2019. Ce système est implanté dans toutes les provinces qui n’ont pas leur propre programme de réduction de GES.

Pourquoi le système québécois est-il plus rigoureux ? La question a été posée à Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie aux HEC Montréal.

« À partir de 2020, le fédéral exigera des prix pour le carbone plus élevés (17.84 $/t) que le Québec (13.49$/t). Cela ne tient toutefois pas compte du fait qu’au Québec les taxes sur l’essence y sont plus élevées que dans les autres provinces. Frais que l’on pourrait interprété comme une taxe sur le carbone. Donc, d’ici 2020, fédéral et provincial seront à peu près équivalents au niveau du prix. Toutefois, l’objectif n’est pas juste d’amasser de l’argent sur le dos des consommateurs, mais de réduire les émissions. Le fait que le Québec ait un plafond offre une garantie de réduction qui n’existe pas au fédéral. De ce côté, rien n’empêche les émissions de GES de croître malgré la taxe. »

Même si l’approche québécoise est plus rigoureuse, vous doutez de l’atteinte des objectifs de réduction. Pourquoi ?

« En ce moment, nous avons atteint 10 % de réduction. Oui, le Québec a des émissions par habitant les plus faibles au pays ( 9.6 t CO2 contre 19.9 en moyenne au Canada), mais ces cibles sont plus contraignantes. Il y a moins de secteurs d’émission où la substitution par des sources d’énergie moins intense en carbone pourra jouer des rôles importants. Par exemple dans le secteur de l’électricité, aucun gain majeur ne peut être réalisé, alors que dans beaucoup de régions c’est le principal secteur d’action pour réduire les émissions de GES. Il y a aussi le fait que le prix du carbone n’affecte pas la consommation des produits pétroliers

Ce que vous dites, c’est que les consommateurs achètent autant d’essence qu’avant sans égard à la taxe sur le carbone ?

« Exactement, les gens aiment les gros véhicules, les VUS. Ils continuent d’acheter de grosses maisons. Le secteur du transport est celui qui domine les émissions avec 42.5 % des émissions contre 34.8 % pour le reste du Canada. »

À titre de solutions, vous parlez dans votre étude de visibilité des taxes et de l’élasticité du prix. Qu’est-ce que cela veut dire ?

« Première chose à faire, c’est d’indiquer clairement et donner de la visibilité au prix du carbone. Les automobilistes ne savent pas qu’ils paient cette taxe. Cette visibilité de tarification a été documentée et ce que l’on constate c’est que lorsque les consommateurs ont conscience de ce qu’il paie, ils adoptent des changements de comportements. Pour ce qui est de l’élasticité du prix, il s’agit de savoir de combien on devrait augmenter l’essence à la pompe pour les automobilistes amorcent un changement de leur mode de vie et choisissent d’autres alternatives que les gros véhicules. Selon nos calculs, il faudrait augmenter le prix à environ 1.60, $ soit 0.50 $ d’augmentation et faire passer le prix du carbone à 200$.

Une augmentation de 0. 50 $, n’est-ce pas exagéré ?

« À court terme, les gens vont avoir besoin de temps pour s’ajuster, mais beaucoup de gens vont y réfléchir et considérer d’autres options. Ce n’est pas vrai que tout le monde a besoin d’un VUS, il y a d’autres solutions comme le transport en commun, la marche, le vélo, les véhicules en autopartage, mais c’est un discours qui a du mal à passer. »

Par Julie Roy

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