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Nov

Fonds de solidarité FTQ : Investissements de valeurs

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Par Eric Bérard

Les institutions financières traditionnelles commencent à tenir compte de critères ESG (Environnement, Société, Gouvernance) lorsque vient le temps d’accorder un prêt pour un projet industriel. Le Fonds de solidarité de la FTQ fait ça depuis 40 ans, avant même que l’acronyme ait été inventé.

En entrevue au Magazine MCI, Julie Morand, vice-présidente aux placements privés et investissements d’impact – Industries, au Fonds de la FTQ précise que l’organisation n’investit pas que dans les entreprises, mais aussi dans leurs valeurs humaines.

« Tout ce qui est ESG pour nous, c’est très très important », dit-elle dans un premier temps.

« On a pris des engagements à faire évoluer nos entreprises du côté ESG parce qu’on pense qu’un investisseur qui ne se préoccupe pas de ces critères-là, c’est un investisseur qui est dépassé et on sent que nos PME ont besoin d’être accompagnées dans ce sens-là », ajoute Mme Morand.

Avant d’aller plus loin, attaquons-nous à l’éléphant dans la pièce. Non, le Fonds n’investit pas que dans des entreprises syndiquées et, non, ne sert pas non plus d’outil de syndicalisation détournée.

En fait, l’entité légale qu’est la centrale syndicale FTQ n’a même pas le droit d’être actionnaire du Fonds. Seules des personnes physiques peuvent en être actionnaires en y investissant leurs épargnes. En date du 31 mai 2024, le Fonds comptait 785 000 de ces actionnaires épargnants.

« Historiquement, les entreprises qui sont devenues partenaires du Fonds qui n’étaient pas syndiquées et qui le sont devenues se comptent probablement sur les doigts d’une main et elles le seraient probablement devenues d’une façon ou d’une autre », témoigne Mme Morand.

Entreprises du Québec

Pour que le Fonds investisse dans une entreprise, le principal critère est que cette dernière ait des opérations et un centre décisionnel au Québec.

Les investissements, qui peuvent aller d’aussi peu que 100 000 $ à plus de 5 millions $, sont faits dans une optique de développement économique à long terme.

Certaines entreprises sont partenaires du Fonds depuis 25 ans et plus, comme le quotidien Le Devoir, Transat ou encore l’ancienne SSQ qui est devenue Beneva dans le secteur des assurances.

Une autre particularité du Fonds c’est que, contrairement aux banques, ses prêts ne sont conditionnels à aucune garantie.

« Les entrepreneurs vont souvent maximiser le financement qui peut être associé à des garanties par des sources de financements plus traditionnelles et vont venir complémenter avec les financements du Fonds pour les autres éléments du projet », explique la spécialiste.

Les injections de capitaux du Fonds peuvent par exemple financer le fonds de roulement d’une toute nouvelle usine, ou encore la reprise des activités d’une entreprise existante par la relève, ce qu’on appelle le repreneuriat.

Le Fonds accompagne également des entreprises d’ici qui ont des projets à l’international.

Mme Morand donne en exemple le Groupe Solmax un fabricant de membranes géo-synthétiques de Varennes, en Montérégie, qui a fait une première grosse acquisition aux États-Unis.

« Ils sont passés de numéro 3 à numéro 1 en faisant cette acquisition-là et par la suite on a fait d’autres acquisitions avec eux en Europe », dit-elle.

Qui approche qui ?

C’est un peu la question de l’œuf ou de la poule. Ce sont les entreprises qui demandent du financement au Fonds ou est-ce que c’est le Fonds qui offre d’investir dans des entreprises en lesquelles il croit ?

« Ça peut venir de tous les sens », résume l’experte en placements.

« Nous on fait notre propre démarchage, donc on identifie des cibles qu’on juge intéressantes selon nos secteurs et selon aussi notre vision de développement durable, donc on approche des cibles directement. »

« D’autres fois, ce sont les entreprises qui vont nous approcher elles-mêmes, parce qu’elles ont été recommandées par d’autres entrepreneurs ou même par leur bureau comptable », explique Mme Morand

Les institutions financières sont également des partenaires.

« On a des banques qui peuvent nous approcher et dire : “nous, on a un montage financier et on peut faire un bout de chemin, mais ça nous prendrait quelque chose d’un petit peu plus patient aussi dans la structure du financement, de la quasi-équité ou même une injection de capital-actions”, et c’est là qu’on intervient et qu’on peut venir complémenter la structure de financement », explique la porte-parole du Fonds de solidarité.

L’organisation se distingue en effet par sa patience à l’endroit des entreprises où elle investit. Parfois, les prêts ne sont remboursables que lorsque la capacité financière est là. Le partenariat peut aussi impliquer de la prise de risques par la participation à l’actionnariat de l’entreprise.

« Ça peut être des actions privilégiées, des actions ordinaires. Donc on devient actionnaire et donc on prend le même risque que l’entrepreneur », illustre Mme Morand.

Comme plusieurs intervenants, elle constate que le secteur manufacturier affiche un certain retard en matière de productivité. Mais cela n’a pas à être une fatalité, estime notre invitée.

« Il y a un enjeu de productivité, on le voit partout. Avant que ça nous rattrape et qu’il soit trop tard, il ne faut pas avoir peur d’investir et de prendre des risques. Et si parfois on aimerait être avec quelqu’un pour partager ces risques-là, le Fonds de solidarité est le meilleur partenaire pour eux », conclut Mme Morand à l’intention de nos lecteurs entrepreneurs.

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