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Sep

Faire battre le cœur des aqueducs sans paralyser nos rues

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Les boyaux composites de Sanexen ont aussi des applications industrielles.

L’angioplastie consiste à déboucher une artère coronarienne à l’aide d’un minuscule ballon sonde qui ouvre la voie à l’installation d’une pièce qui la maintiendra dilatée, une technique beaucoup moins invasive que la chirurgie à cœur ouvert. C’est très exactement la logique qui s’applique à la réhabilitation d’aqueducs sans tranchée.

Lorsqu’une fuite d’eau potable se produit dans nos réseaux d’aqueducs souterrains, on devine immédiatement le cauchemar de circulation et les pertes encourues par les commerçants pendant le chantier, alors qu’il faudra détruire la chaussée pour accéder aux tuyaux endommagés et les remplacer.

Pourtant, il est possible de procéder autrement, en installant un boyau flexible enduit de résine à l’intérieur même de la conduite endommagée. On l’insère à partir un point d’accès n’exigeant qu’un minimum d’excavation, on tire dessus depuis un deuxième point d’accès et on attend que ça durcisse, sans que la chaussée soit endommagée et avec un impact minimal sur la circulation.

Ça, c’est la version simple. La réalité est un peu plus complexe mais tout aussi fascinante, apprend-on en discutant avec Martin Bureau, vice-président, innovation, de la firme Sanexen dont le siège social se trouve à Brossard mais qui est également présente sur la scène internationale.

« On utilise des tissus tissés de façon circulaire. Donc ce sont des tubes qui sont tissés grâce à des métiers circulaires, le même genre de métiers qui sont utilisés pour le tissage de boyaux d’incendie », explique-t-il en entrevue au Magazine MCI.

Ces gaines, d’un diamètre de 4 à 24 pouces en général, sont faites de fibres polymères dans lesquelles est imprégnée une résine thermodussicable d’époxy dans l’unité mobile qui se rend sur le chantier, le tout étant recouvert d’une membrane intérieure de plastique.

À cette étape, la texture est similaire à de la mélasse, explique M. Bureau. « C’est pour ça que la membrane plastique est là, pour empêcher que la résine soit lessivée par l’eau », dit-il, question d’éviter que de l’eau potable soit en contact avec de la résine avant sa réticulation.

Des outils spéciaux appelés « torpilles » permettent au tube interne de bien épouser l’intérieur de la conduite à réparer, une fois qu’on le gonfle sous la pression du réseau d’eau. Le durcissement est obtenu en y faisant ensuite circuler de l’eau chaude en circuit fermé. « Elle va réticuler, c’est-à-dire qu’il y a une réaction qui va se produire entre les composantes de la résine d’époxy pour qu’elle durcisse », précise M. Bureau.

Une fois que des ingénieurs de la municipalité cliente et d’organisations internationales de certification sanitaire ont approuvé la qualité des travaux et l’absence de contaminants, le réseau est remis en fonction.

« Nous savons que notre gaine structurale a une durée de vie d’au-delà de 100 ans », déclare M. Bureau, ajoutant que le matériau composite est inattaquable par la corrosion, contrairement aux tuyaux de fonte grise ou ductile qui constituent l’essentiel des conduites d’aqueducs au Québec, dit-il.

Que l’eau soit plus ou moins dure ou chlorée n’a pas d’impact sur les conduites composites, conçues pour de l’eau potable dont le pH se situe aux environs de 7,5 à 8. « Mais dans tous les cas, il n’y a pas d’adhérence des produits calcaires ou autres à la membrane », affirme le spécialiste de Sanexen.

L’entreprise est intégrée verticalement puisque, en plus de concevoir et d’installer ses produits, elle les fabrique elle-même à Coaticook dans une usine rachetée à la firme Niedner, qui y tisse des boyaux d’incendie depuis plus d’un siècle.

Applications industrielles

Lorsqu’on lui demande si la technologie de gainage pourrait s’appliquer au secteur industriel où beaucoup de conduites sont utilisées pour l’eau de refroidissement des machines ou le transport de liquides corrosifs, M. Bureau répond par l’affirmative.

Sanexen a d’ailleurs déjà procédé à du gainage dans des centrales nucléaires et hydroélectriques ainsi que dans des usines de transformation métallurgique, dit-il. Dans tous ces cas, un bris de conduite forçant l’arrêt de la production représente des coûts énormes et c’est pourquoi l’entreprise estime pouvoir y amener une valeur ajoutée avec des tuyaux de matériaux composites adaptés à de telles conditions.

« Le fait qu’on ait de grandes forces en sciences des matériaux, en conception mécanique et en fabrication nous permet de concevoir ou d’adapter notre technologie Aqua-Pipe à d’autres types de marchés [que celui des aqueducs]. Je sais d’ores et déjà que des conduites de saumures, d’eaux chargées en hydrocarbures ou même de gaz naturel pourraient très bien être gainées par notre produit », affirme le docteur en sciences des matériaux issu de Polytechnique.

Parallèlement à la consolidation de son marché principal des réseaux d’eau potable, Sanexen mène des tests et fait valider des variantes de tuyaux de composites destinés à des activités industrielles plus lourdes.

« Je suis certain que dans cinq ans on va être là », affirme M. Bureau avec confiance.

Par Eric Bérard

Cr photo Sanexen

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