Depuis plusieurs années, le Québec parle d’électrifier l’ensemble de son économie. L’Institut économique de Montréal lance une publication qui dresse un bilan énergétique de la province, quantifie le potentiel de l’hydro-électricité et identifie le gaz naturel comme une solution réaliste afin de remplir nos besoins en énergie.
À l’heure actuelle, les combustibles fossiles comptent pour la majorité (56 %) de la consommation énergétique au Québec, alors que l’électricité en représente 36 %. « Les Québécois semblent parfois croire que l’électricité est roi et maître au Québec, mais les chiffres indiquent clairement le contraire », fait valoir Jean Michaud, ingénieur et co-auteur du cahier de recherche.
La capacité de production d’Hydro-Québec est en principe suffisante pour réaliser l’électrification des transports dans les périodes de faible demande en énergie, mais cela s’avérerait impensable en période de pointe. « Le Québec a la particularité d’utiliser l’électricité plutôt que le gaz naturel pour le chauffage. La réalité mathématique est qu’un pourcentage beaucoup trop élevé de la capacité d’Hydro-Québec est déjà utilisé en période de pointe afin de permettre aux gens de charger leurs voitures en même temps », continue M. Michaud.
Selon les auteurs, les 5,4 millions de véhicules personnels électriques que compterait hypothétiquement le Québec auraient besoin de 37 350 MW pour se recharger chaque jour, soit presque autant que toute la pointe de demande de la province en hiver.
« On met souvent de l’avant des alternatives telles que l’énergie solaire ou géothermique. Or, dans l’ordre actuel des choses, ces sources d’énergie ne sont pas assez performantes, fiables et abordables », affirme Germain Belzile, chercheur associé senior à l’IEDM et co-auteur de la publication.
« Les réserves récupérables de gaz naturel du Québec suffiraient à combler nos besoins pour au moins les 40 prochaines années et nous n’aurions besoin que d’un nombre limité de nouveaux gazoducs. Le prix actuel du gaz naturel ne rend pas attrayant pour les entreprises le développement de cette filière, mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une alternative tout à fait réaliste et souhaitable pour l’avenir », de conclure M. Belzile.
Le Cahier intitulé « L’énergie au Québec: Quel rôle pour le gaz naturel dans un contexte d’électrification? » est signé par Jean Michaud, ingénieur, en collaboration avec Germain Belzile, chercheur senior associé à l’IEDM.
Hydro-Québec corrige certaines informations avancées
De son côté, Hydro-Québec mentionne que le rapport n’utilise pas les bonnes données et ne tient pas compte de toutes les évolutions technologiques que connaîtra le secteur de l’électricité dans les prochaines années.
Premièrement, le volume d’électricité disponible d’Hydro-Québec est largement supérieur à ce qui est avancé par l’IEDM, selon leur portrait des ressources énergétiques, publié depuis : « la capacité de production des centrales d’Hydro-Québec et de ses autres sources d’approvisionnement dépasse les besoins de l’entreprise de plus de 40 TWh d’énergie disponible par année ». Avec cette énergie, l’entreprise pourra alimenter le développement économique du Québec et contribuer davantage à la décarbonation des marchés voisins en signant de nouveaux contrats d’exportation à long terme.
Deuxièmement, l’IEDM se base sur de mauvaises hypothèses pour remettre en question la capacité de notre réseau à assurer la recharge d’un nombre important de véhicules électriques pendant la pointe hivernale. En effet, nous avons évalué les données de plus de 500 bornes de recharges installées chez nos clients au cours des jours de grand froid. Nous sommes arrivés au constat que l’augmentation de la consommation d’électricité de ces clients pendant les quelques heures les plus critiques de la pointe est d’au maximum 1 kW par véhicule – et non de 7 kW. De plus, il n’est pas prévu que tous les véhicules lourds en service au Québec soient convertis à l’électricité. Pour ce type de véhicule, plusieurs autres pistes sont explorées, par exemple l’hydrogène propre, qui pourrait être produit au Québec à partir de l’eau et de notre hydroélectricité. À court terme, les biocarburants sont très prometteurs, et de nouvelles entreprises s’intéressent déjà au Québec en vue d’y établir une production soutenue.
Troisièmement, dans le chapitre où est abordée la capacité de production d’Hydro-Québec, il faut également penser aux efforts en efficacité énergétique en cours et des avancées technologiques qui se déploient déjà et qui permettront à Hydro-Québec de gérer la pointe de demande associée au chauffage électrique.
L’électrification de l’économie sera évidemment accompagnée de nouvelles mesures en efficacité énergétique qui se déploieront dans les prochaines années. À Hydro-Québec, plusieurs exemples de ces efforts sont déjà en marche, comme la filiale Hilo, le programme Gestion de la demande de puissance ainsi que différentes solutions pour nos clients d’affaires.
De plus, les nouvelles technologies joueront également un rôle croissant dans la gestion de la pointe, comme le stockage d’énergie, la production solaire distribuée et la domotique.
Hydro-Québec précise également que la production éolienne du Québec bénéficie de la complémentarité avec l’hydroélectricité. Bien que caractérisée par son intermittence, un service d’équilibrage permet d’assurer la livraison de 40 % de la capacité des éoliennes installées au Québec en hiver et de 30 % en été; ce qui permet des livraisons stables d’électricité, ce qui nous permet d’en tenir compte dans nos prévisions de puissance disponible lors des pointes.
En conclusion, l’Institut économique de Montréal et Hydro-Québec nous confirme que l’électrification du Québec est chose possible.