Depuis une dizaine d’années, l’économie du Bas-Saint-Laurent se métamorphose. Alors que la région exploitait autrefois ses ressources naturelles à l’échelle de la première transformation seulement, les choses changent aujourd’hui : la valeur ajoutée et la recherche et développement gagnent en priorité.
«Sans faire table rase de nos ressources naturelles, nous assistons à une évolution de l’économie de transformation. Nous produisons de façon plus intelligente grâce à des technologies plus avancées et à des procédés qui nous permettent d’enregistrer des gains de productivité et de réduire nos pertes», indique Gilles Gagnon, directeur adjoint à la Conférence régionale des élu(E)s du Bas-Saint-Laurent (CRÉ).
Reconnu depuis toujours dans les secteurs du métal, du soudage, de la transformation alimentaire, de la transformation du bois (composantes, portes et fenêtres) et du matériel de transport avec Bombardier à La Pocatière, le Bas-Saint-Laurent développe deux nouvelles grappes industrielles, celles de l’énergie éolienne et des technologies de l’information.
À Matane, deux entreprises dans la fabrication de composantes d’éoliennes et de tours ont pignon sur rue, tandis qu’à Rimouski la présence de Telus favorise le développement d’un centre de recherches et d’entreprises de formation à distance.
Trois créneaux d’excellence caractérisent le Bas-Saint-Laurent: Écoconstruction, Ressources, sciences et technologies marines et Valorisation de la tourbe et des technologies agroenvironnemen-tales. L’objectif commun : la fabrication de produits à valeur ajoutée.
«C’est dans cette direction que nous devons nous diriger pour conserver notre positionnement et demeurer en affaires. Certes, cela représente des efforts et des investissements, et ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont la capacité d’investir en R&D. C’est la raison pour laquelle le Bas-Saint-Laurent dispose de six centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), ce qui est beaucoup pour une région qui englobe une population de 100 000 habitants. Les entrepreneurs peuvent ainsi faire appel à nos centres pour du soutien, de la R&D et des programmes de formation», ajoute Gilles Gagnon.
Ces centres sont situés à Matane (imagerie numérique), Amqui (produits de bois à valeur ajoutée, Rimouski (technologie et biologie marines) et La Pocatière (optique et technologies physiques ou automatisation).
Loin des grands centres urbains, le Bas-Saint-Laurent a l’avantage d’être situé tout près des ressources marines. Bien qu’il soit de plus en plus difficile de trouver une main-d’œuvre qualifiée, la région vise à créer une valeur ajoutée aux produits des entreprises pour qu’elles réussissent à se démarquer à l’échelle mondiale.
C’est le cas de SCF Pharma à Sainte-Luce, près de Rimouski, qui développe une gamme de produits à base d’oméga-3 et dont des brevets visant divers traitements contre le cancer ont été déposés à Ottawa.
«Notre objectif est d’attirer des investissements étrangers et de soutenir nos entreprises pour qu’elles puissent concurrencer d’autres entreprises à l’étranger. Nos entreprises ont démontré leur capacité à s’adapter dans les moments difficiles. Nous avons tissé des liens d’affaires avec les Maritimes et de nouveaux partenariats sont à venir. Nous sommes dans la mire d’entreprises étrangères», explique Annie Chouinard, directrice générale du créneau Ressources, sciences et technologies marines du Bas-Saint-Laurent.
Ce créneau, qui est basé sur les ressources marines et l’expertise en recherche, regroupe des entreprises dans quatre filières d’activité : l’aquaculture, la pêche et la transformation, la biotechnologie marine et la technologie marine.
Deux de ces filières sont très actives dans la région : les technologies marines et les biotechnologies marines.
Dans le premier cas, la filière met l’accent principalement sur l’innovation et le développement de produits servant d’aide à la gestion de données techniques et scientifiques spécifiques au milieu marin ou au transport maritime.
Quant à la filière des biotechnologies marines, elle vise à développer et à valoriser les coproduits issus de l’industrie de la pêche et de la transformation des produits de la mer ainsi que de la biomasse marine et aquacole en cherchant de nouvelles applications commerciales pour les secteurs nutraceutique, cosmétique, agricole et pharmaceutique.
Le Bas-Saint-Laurent compte 18 entreprises en technologies marines, 7 entreprises en biotechnologies marines, 4 en aquaculture et 35 pêcheurs. Il s’agit de PME, exception faite de l’usine de transformation Les Fruits de Mer de l’Est, à Matane, qui emploie de 200 à 300 travailleurs selon les saisons.
Un deuxième créneau d’excellence, créé en février 2011, est celui de l’écoconstruction. C’est un secteur vital pour le développement économique futur de la région. Le territoire compte 180 entreprises manufacturières qui oeuvrent dans le secteur du bois de sciage (composantes, portes et fenêtres, armoires de cuisine, bois d’apparence, de planchers, de structures, de fermes de toit, etc.).
Fait à noter, la seule carrière d’ardoise en Amérique du Nord se situe à Saint-Marc-du-Lac-Long. De réputation internationale, l’ardoise extraite du gisement se caractérise par sa couleur grise et bleutée que l’on attribue aux conditions de formations géologiques exceptionnelles. La carrière Glendyne embauche 300 personnes et exporte ses produits à l’étranger destinés aux toitures et aux aménagements paysagers et intérieurs.
«Ce créneau crée une base industrielle cohérente, ce qui fait du Bas-Saint-Laurent une région avec un potentiel de force industrielle dans le secteur écologique. Le bois est l’intrant numéro un dans l’habitation. Notre objectif est donc d’optimiser les produits actuels pour les rendre plus écologiques et inciter les entrepreneurs à se positionner sur les marchés verts.
Nos deux volets, recherche et développement et aide à la commercialisation, visent à créer une synergie entre les industriels pour qu’ils puissent mettre à contribution leurs forces à l’exportation. Les provinces maritimes, l’Ontario et la côte est américaine sont nos trois régions naturelles d’exportation», précise Sarah Landry, directrice générale au créneau Écoconstruction.
Sarah Landry ajoute que la reprise dans le secteur du bois est lente et que le fond du baril semble atteint. «Nous sommes toujours tributaires des mises en chantier aux États-Unis. Plusieurs de nos entreprises ont dû cesser leurs activités. Celles qui ont survécu ont consolidé leurs opérations et surveillent de près leurs dépenses», ajoute-t-elle.
La région du Bas-Saint-Laurent occupe le premier rang des régions productrices de tourbe avec environ 45% de la production québécoise. De plus, elle est un leader mondial dans la production d’équipements pour la transformation de la tourbe. Une vingtaine d’entreprises y sont actives et emploient plus de 1 500 personnes. Cette industrie exporte environ 80% de ses produits et ses technologies*.
Le Bas-Saint-Laurent est un leader mondial dans la production d’équipements pour la transformation de la tourbe.
Les technologies agroenvironnementales sont, quant à elles, considérées comme un secteur en émergence au Québec. La convergence de ce secteur vers celui de la valorisation de la tourbe crée de nouvelles perspectives de développement dans des domaines comme la biofiltration, le compostage, l’agriculture et l’horticulture de pointe*.
Selon l’Association des producteurs de tourbe horticole du Québec, ce secteur industriel primaire génère 1 000 emplois à temps plein et des revenus annuels de 550 M$. Premier Tech est de loin le producteur de première importance dans les secteurs horticoles et agricoles depuis 90 ans.
«Nous investissons 15 M$ annuellement en R et D pour permettre au Québec de conserver son poste de leader dans la production de tourbe, la restauration des tourbières, la qualité et l’innovation. La récolte de tourbe demeure relativement stable depuis les dix dernières années avec un résultat de 400 000 tonnes par année.
Pour avoir accès à cette ressource, les conditions météo doivent être favorables, ce qui n’a pas été le cas ces dernières années. Malgré tout, l’industrie demeure en croissance parce que les producteurs ont développé des sites ailleurs qu’au Québec de même que des produits complémentaires, comme le compost », souligne Geneviève Potvin, directrice générale à l’Association des producteurs de tourbe horticole du Québec.
Autre point majeur pour aider les entreprises à battre la compétition sur le marché mondial : la qualité et la certification des produits.
«Les pays d’Europe de l’Est offrent des prix que nous sommes incapables de concurrencer. En revanche, nous misons sur la nouvelle certification VeriFlora que nous avons développée avec nos voisins du Sud. Cette certification démontre que les producteurs ont respecté les normes environnementales tout en gérant de façon responsable les tourbières. Les grands donneurs d’ouvrage ont tendance à choisir les produits certifiés, délaissant ceux de l’Europe de l’Est, ce qui n’est pas encore la tendance chez les consommateurs, qui choisissent plutôt le prix», ajoute Geneviève Potvin.
Au Centre local de développement (CLD) Rimouski-Neigette, le manque de main-d’œuvre qualifiée est un problème récurrent. «C’est notre talon d’Achille. En novembre 2012, nous avons mis sur pied un programme de formation spécifique pour les besoins en métallurgie et en ébénisterie industrielle. À la fin du cours, en avril 2013, tous les finissants avaient un emploi. Personne n’était au chômage. Nous entendons répéter cette formule cette année», indique Jean Létourneau, directeur général du CLD Rimouski-Neigette.
À son avis, les principaux enjeux pour l’avenir sont la relève entrepreneuriale, la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et la diversité des activités économiques.
«Nos trois créneaux devraient créer davantage d’activités économiques. Nous sommes en train de restructurer plusieurs entreprises et nous devrions être bientôt en mesure de cristalliser leurs acquis», conclut Jean Létourneau.
*(Source: ministère des Finances et de l’Économie)
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