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Nov

Électrification des équipements miniers – Des progrès imminents

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Durant la conférence « Les énergies pour les mines », des représentants de certains fabricants ont fait part des efforts d’électrification des équipements utilisés dans les mines souterraines.

Mike Mayhew, du fabricant californien Artisan Vehicle Systems, spécialisé dans les moteurs électriques, a parlé du projet de conversion des véhicules diesel vers l’électricité, mené chez Kirkland Lake Gold à la mine Macassa, dans le nord de l’Ontario. Cette firme exploite désormais la plus grosse flotte de véhicules alimentés par batteries au monde. Les équipements électriques coûtent plus cher à l’achat, mais le coût additionnel est récupéré du côté de l’entretien du matériel et des besoins de ventilation des galeries, précise-t-il.

Erik Svedlund, directeur du marketing chez Epiroc, maison mère d’Atlas Copco Canada, a lui aussi parlé de la nécessité de l’électrification des activités souterraines dans le bilan environnemental des compagnies minières. La combustion du diesel en milieu confiné pose un problème non seulement en matière de santé et de sécurité, indique-t-il, mais comporte aussi des coûts élevés associés au besoin de ventilation.

« Nous sommes la seule industrie à faire cela, utiliser du diesel dans un espace fermé », dit-il.

La réduction de 20 % des besoins de ventilation, obtenue grâce à l’utilisation des véhicules à batterie, permet de réduire 50 % la facture énergétique d’une mine, estime M. Svedlund.

Un essai à Chapleau

Cette estimation est confirmée par Luc Joncas. Chez Goldcorp, l’ouverture de la mine Borden Gold à Chapleau (Ontario), à 200 km à l’ouest de Timmins, a été l’occasion de tester les équipements à moteur électrique dans une nouvelle exploitation. Selon M. Joncas, l’élimination du diesel a accéléré l’obtention des permis associés à l’ouverture de la mine, achetée en mars 2015. Située au bord du lac Borden et voisine d’une pourvoirie, cette mine verte a été bien accueillie par la communauté. Goldcorp a même fait convertir une pelle niveleuse Caterpillar pour y installer un moteur électrique MacLean.

Pour les équipements plus lourds, on attend toujours la production des batteries ayant une durabilité adéquate. Luc Joncas souligne que les coûts d’exploitation de la mine Borden sont comparables à ceux d’autres exploitations. « Mais après avoir acheté notre flotte, nous avons pu obtenir du financement du gouvernement ontarien, et nous avons aussi obtenu des crédits carbone », note-t-il.

Luc Joncas souligne que les équipements électriques posent un nouveau défi en matière de santé et de sécurité. « Un Jumbo de 20 tonnes, si tu ne l’entends pas arriver, ça peut surprendre », dit-il en blaguant.

Gilles Leblanc, de Ressources naturelles Canada, a présenté des données sur les véhicules miniers électriques. Chaque mine est unique, rappelle-t-il. Les tests doivent être faits sur la performance des batteries en fonction des caractéristiques d’exploitation, et il faut repenser la conception même de la mine en fonction de l’utilisation des batteries. L’absence de règlementation ou de normes pour standardiser les formats des batteries et des chargeurs pose un problème à l’intégration de ce matériel dans les entreprises, ajoute-t-il.

Le chercheur Ramy Kamaneh, de l’entreprise SDMT, a fait part des résultats menés à la mine Westwood exploitée par IAMGold. Il a comparé la performance de trois chargeuses-navettes électriques avec des véhicules similaires au diesel, avec les mêmes opérateurs et dans des conditions similaires d’exploitation: en montée ou en descente, à vide ou chargés. Avec des opérateurs expérimentés, l’écart des résultats est peu significatif, fait-il observer.

M. Kamaneh suggère d’utiliser trois batteries par deux véhicules, afin d’éviter la perte de productivité associée au temps de recharge ou de changement des batteries. Par ailleurs, il confirme la réduction des besoins de ventilation associés à l’élimination du diesel, mais ajoute qu’il ne faut pas négliger le besoin de faire sortir des galeries la fumée des explosifs utilisés pour le dynamitage.

Mine 4.0 : Un virage à faire

Dans une activité parallèle à Québec Mines, plusieurs partenaires ont organisé l’activité de formation et de réseautage « Mine 4.0 » sur l’organisation numérique de l’activité d’une entreprise d’extraction. Des experts de MISA, le réseau d’expertise en innovation minière, du Mouvement québécois de la qualité (MQQ) et du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) ont animé les échanges qui ont duré toute la journée, en ateliers.

Cette activité de transfert de connaissances visait à aider les opérateurs miniers à mettre en marche les processus requis par la transition numérique de leur entreprise. Les échanges ont été centrés sur le mode « comment », a expliqué Alain Beauséjour, directeur général de MISA, en ouverture de la journée.

Louis J. Duhamel, conseiller en stratégie des organisations, a animé les séances plénières. Ce dernier, qui a piloté l’étude « Le point sur le Québec manufacturier » en 2015 à l’époque où il travaillait chez Deloitte, a rappelé que le concept d’industrie 4.0 est plus qu’un mot à la mode.

« C’est la fusion parfaite des actifs physiques, numériques et humains, qui augmente de manière exponentielle la flexibilité de toute la chaîne de valeur dans l’entreprise », dit-il.

L’industrie manufacturière a entrepris le virage pour mettre à jour ses technologies, poursuit-il, et l’industrie minière pourrait s’en inspirer. L’ouverture et l’exploitation d’une mine représente d’énormes capitaux, et la numérisation contribue à réduire les coûts de gestion des actifs physiques. Les outils numériques peuvent aussi faciliter le travail du personnel, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte de la rareté de la main-d’œuvre. Enfin, les outils de communication modernes facilitent les échanges B2B avec les fournisseurs et les clients, précise-t-il.

Christian Chalin, consultant en développement organisationnel au MQQ, et Louis Côté, consultant en transformation organisationnelle, ont animé l’atelier intitulé « Comment inscrire la qualité et l’amélioration continue dans l’ADN de l’organisation minière? » Lors de la plénière de clôture, M. Chalin a insisté sur l’importance de la crédibilité des dirigeants dans tout projet de mobilisation du personnel. Il a également souligné sur la capacité de réalisation des projets « qui est souvent surestimée dans les entreprises ». Or, cet aspect est aussi important que l’évaluation du retour sur l’investissement (ROI) associé au projet, estime-t-il.

Jocelyn Paul, ingénieur industriel au CRIQ, a animé l’atelier sur la réalisation de l’audit numérique de l’organisation minière, qui consiste à évaluer la situation, à mesurer la maturité de l’entreprise et à élaborer un plan numérique. Comme pour tout projet d’amélioration continue, « le plan numérique est plus qu’un outil, c’est une démarche », dit-il.

Geneviève Lefebvre, directrice de projet au CEFRIO, a dirigé les échanges sous le thème « Comment cibler et prioriser les gains de l’industrie 4.0 pour notre industrie? ». Elle rapporte que les opérateurs miniers ont la volonté de numériser leurs activités, mais les bénéfices sont mal documentés. Or, les coûts d’installation d’une connexion WiFi sur les sites miniers les rebutent. Elle a souligné la nécessité d’innover de manière continue, notamment par la réalisation de petits projets. « Les participants ont dit qu’ils étaient prêts à être les deuxièmes à essayer une technologie, pas les premiers », dit-elle.

Pierre Simard, président et consultant principal chez Samson Loiselle, a dirigé le débat portant sur le changement de culture organisationnelle associé aux exigences de la mine 4.0. À la lumière des discussions en atelier, il constate que la modification des rôles et la mobilisation des employés ne signifient pas que les gestionnaires perdent leur utilité, au contraire; ils peuvent alors cesser de jouer au pompier, dit-il. Selon lui, la créativité et l’innovation ne font jamais défaut dans les entreprises minières, mais la résolution de problèmes, ou processus d’escalade, est parfois lacunaire. « On y va à l’instinct, pas toujours dans un cadre bien structuré », fait-il observer.

Karine Blondin, directrice de projet au CEFRIO, a résumé les travaux de l’atelier sur le développement des compétences des travailleurs, qu’elle coanimait. Elle souligne l’importance de l’apport des plus jeunes employés auprès de leurs collègues plus expérimentés, mais pas du tout familiers avec les outils numériques.

À l’atelier « Comment aborder un projet 4.0 », animé par Jean Wéry, du CRIQ, les participants ont notamment insisté sur l’importance des « quick wins » pour lancer le mouvement. La réalisation de projets pilotes qui montrent des résultats probants permet de créer l’état d’esprit requis dans l’entreprise.

Par Alain Castonguay

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