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Sep

Électrification de l’équipement – L’industrie minière en marche

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Dans le secteur minier, cette électrification est en marche sur plusieurs fronts à la fois : le forage et l’extraction des minéraux, leur traitement et, entre les deux, leur transport. Et comme tout est gigantesque dans cette industrie, il n’est guère étonnant que le plus récent camion électrique à lui être destiné batte tous les records.

Ce camion électrique, baptisé « eDumper » par le groupe de chercheurs suisses gravitant autour de l’Institut de recherche Empa qui l’a élaboré, est le plus imposant au monde avec ses 58 tonnes à vide et ses 65 tonnes de charge utile pour un total de 123 tonnes qu’il arrive à déplacer à l’aide d’un module de batteries lithium-ion de type NMC (nickel, manganèse et cobalt) d’une capacité de 600 kWh qui, à lui seul, pèse 4,5 tonnes.

Il s’agit en fait d’un camion Komatsu HD 605-7 dont le moteur diesel de 715 chevaux et 2 452 lb-pi de couple a été retiré pour faire place à un moteur électrique synchrone Oswald de 782 kW, soit l’équivalent de 1 050 chevaux. Le module de batteries est logé dans l’emplacement normalement occupé par le réservoir de carburant.

Les modifications au camion diesel original ont été apportées au moment où il devait faire l’objet d’une remise à neuf. « Le camion était déjà utilisé depuis plusieurs années dans l’une des carrières de Vigier Ciment », explique Rainer Klose, du service des communications de l’institut de recherche suisse Empa en réponse aux questions de Circuit Industriel.

L’eDumper fait actuellement ses preuves dans une mine de calcaire de Suisse, le calcaire étant avec l’argile l’ingrédient de base du ciment qui lui-même sert à la préparation du béton. Il existe des mines de calcaire au Québec, notamment dans la région de la Capitale-Nationale.

Le courant de la batterie de l’eDumper est essentiellement utilisé pour le mouvoir à vide dans les montées, alors qu’il se dirige vers le site de chargement. Une fois chargé, le camion redescend la pente avec son minerai et l’énergie cinétique générée par la décélération permet de la recharger puisque le moteur électrique fait alors office de génératrice, indique Andreas Sutter de la firme Lithium Storage, qui agit à titre de coordonnateur de ce projet.

M. Sutter estime que l’autonomie de l’eDumper lui permet de grimper une pente pouvant aller jusqu’à 12% pendant une demi-heure. Sur terrain plat, l’eDumper pourrait travailler jusqu’à deux heures d’affilée avec une seule charge qui, incidemment, peut également se faire via une connexion au réseau électrique régulier. La durée de vie du module de batteries est estimée à six à 10 ans, selon le nombre de cycles de charges et décharges.

Investissement et gains de productivité

Un tel joujou n’est pas donné. La mise au point du prototype à elle seule a coûté tout près de 4 millions de dollars canadiens (3 millions de francs suisses). Une fois les coûts de développement absorbés, les coûts redescendent à 3,3 millions $ CAD et à environ 2,5 millions $ CAD en tenant compte des économies de carburant et des gains de productivité qu’il génère par rapport à son équivalent diesel, ajoute M. Sutter qui selon une vingtaine d’unités similaires font déjà l’objet d’options.

Toujours selon M. Sutter, les gains en productivité s’expliqueraient par le fait que l’eDumper démarre, roule et manœuvre plus aisément et plus rapidement que son équivalent diesel. Sa vitesse maximale est estimée à 40 km/h. L’acquéreur et utilisateur actuel de la toute première unité, Vigier Ciment, affirme que le jeu en vaut la chandelle : « Les économies générées sur le carburant, soit quelque 50 000 litres de diesel par année, ainsi que la réduction de près de 130 tonnes d’émission de CO2 par année permettent de compenser largement les investissements consentis par Vigier Ciment pour développer puis exploiter le véhicule », peut-on lire dans un communiqué émis par la firme.

Les percées technologiques qui ont jalonné l’élaboration de l’eDumper pourraient être utilisées dans le cadre d’autres applications, affirme Vigier Ciment : « De tels véhicules pourraient en effet être utilisés dans des chantiers fermés, comme les tunnels où les gaz d’échappement des véhicules représentent des inconvénients sensibles. Certains chantiers urbains, eux aussi sensibles aux gaz d’échappement, pourraient également mettre en œuvre des véhicules révolutionnaires de ce type. »

Les autorités du grand Montréal seront-elles tentées d’y jeter un coup d’œil pour la mise en place du Réseau express métropolitain ou l’expansion éventuelle du métro? Cela demeure encore à déterminer.

Le Québec dans la course

Nous avons cité une récente percée européenne, mais cela ne signifie certainement pas que le Québec soit en reste en matière d’électrification de véhicules et équipements miniers. Bien au contraire, les gens d’ici s’activent dans ce créneau et font preuve d’une belle ouverture sur le monde.

À titre d’exemple, la firme Pedno de Laterrière au Saguenay commercialise un véhicule entièrement électrique appelé « Minotaur » qui est essentiellement destiné au transport du personnel (équipes d’entretien, géologues, etc.) dans les mines souterraines. À plus ou moins longue échéance, ce type de véhicules propres et à faible dégagement de chaleur pourrait être appelé à remplacer les petits utilitaires à moteur à combustion interne que les minières emploient présentement.

En entrevue à Circuit Industriel, le PDG de Pedno, M. Maurice Duperré, précise que le Minotaur a été développé en partenariat avec les gens de la minière Niobec (mine de Niobium de St-Honoré, aussi au Saguenay), qui l’utilise déjà dans le cadre de ses opérations.

« En utilisant un véhicule électrique, on réduit de beaucoup les frais de ventilation sous terre, qui sont énormes », déclare M. Duperré, estimant que ces frais peuvent atteindre jusqu’à 40% des frais d’exploitation d’une mine souterraine.

Le marché des véhicules miniers électriques doit être développé au Québec, croit M. Duperré, déclarant : « Il faut offrir à l’industrie des véhicules qui vont répondre aux normes de sécurité, à la fiabilité, aux coûts, etc. ». Loin de craindre la concurrence venue de l’étranger, il l’accueille à bras ouverts : « Plus il y aura de joueurs qui vont pousser dans les véhicules électriques, mieux ce sera parce que plus ce sera accepté par les minières et tout le monde va y gagner », dit M. Duperré, citant l’exemple de la mine Kirkland Lake Gold en Ontario qui utilise des véhicules électriques de 40 tonnes de la firme californienne Artisan (modèle Z40) à plus de 5 000 pieds de profondeur. Il ajoute cependant qu’il est conscient que cette transition ne se fera pas en un claquement de doigts : « C’est sûr que les mines qui sont en opération avec des équipements déjà en place, on comprendra qu’ils ne les changeront pas du jour au lendemain; ça va se faire graduellement. »

Ces paroles trouvent écho du côté de l’Association minière du Québec, où la PDG Josée Méthot croit elle aussi à une transition en douceur, même si elle observe que l’électrification de l’équipement minier est une tendance lourde qui fait l’objet de beaucoup de discussions parmi ses membres. « Goldcorp a une mine en production en Ontario qui est 100% électrique. Il y a également Nouveau Monde Graphite [à Saint-Michel-des-Saints,150 km au nord de Montréal] qui a annoncé que sa mine serait 100% électrique », illustre-t-elle, soulignant d’autre part que puisque les véhicules électriques ne produisent pratiquement aucun bruit, ils favorisent la cohabitation de l’industrie minière avec les citoyens lorsque les travaux d’extraction se font à proximité d’agglomérations.

Mme Méthot fait par ailleurs valoir que les bénéfices de l’électrification minière vont au-delà de l’utilisation de véhicules électriques puisque les génératrices diesel utilisées en région éloignées pour alimenter diverses formes de machinerie cèdent graduellement le pas à des modèles au gaz naturel moins polluants ou à des éoliennes. « La transition énergétique, elle se fait de différentes façons », souligne-t-elle. « Réduire l’utilisation de combustibles fossiles va améliorer notre empreinte environnementale en réduisant nos gaz à effet de serre. »

Notons en terminant à l’intention des professionnels du secteur minier que Ressources naturelles Canada a récemment publié une veille technologique portant sur les véhicules miniers à batteries signée par l’ingénieur André Harvey. Ce document dresse un état de la situation sur les technologies disponibles, comment elles se comparent entre elles sur le plan des émissions et des rapports coûts/bénéfices, les systèmes de recharge, et plus encore.

Par Eric Bérard

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