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Feb

«Droits d’émission» de gaz à effet de serre

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Cette initiative s’inscrit dans la lignée des mesures encouragées par le protocole de Kyoto. Le principe de ce marché est simple: les sociétés qui sont de grandes émettrices de CO2 peuvent acheter des «droits d’émission» aux compagnies qui en émettent peu et qui elles, se constituent un crédit d’émission qu’elles peuvent ensuite marchander. Pour que le succès de l’alliance entre environnement et rentabilité soit assuré, il faut encore que le Canada établisse des quotas absolus limitant le taux d’émission des entreprises, chose que malheureusement, il tarde à faire.

La position du gouvernement canadien dans ce dossier est déroutante. Lors de la signature du protocole de Kyoto, il s’était engagé à réduire de 6% les émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. Le résultat est qu’il en produit 30% de plus aujourd’hui et se complait dans des excuses irrecevables pour retarder la mise en place de mesures concrètes en vue d’une réelle lutte contre les émissions de CO2.

Cela dit, lorsqu’une réglementation gouvernementale sera mise en place, chaque secteur de l’industrie devra respecter des seuils au-delà desquels il ne devra pas théoriquement produire de CO2. S’il ne peut restreindre suffisamment les émanations engendrées par ses activités industrielles, il lui sera possible d’acheter des «crédits d’émission» aux compagnies qui, elles, en auront produit moins que le seuil qui leur aura été fixé. Dans un monde idéal, motivées par le désir d’avoir à acheter le moins de crédits d’émission possible, les entreprises se doteraient de moyens de production plus modernes, moins polluants ou encourageraient le développement de technologies moins énergivores, etc… Par la même occasion, les compagnies les moins polluantes se verront ainsi récompensées en transformant leur bonne performance environnementale en source de profits.

Toutefois, si on se fie aux nombreux prix fossiles remportés par le Canada lors de la conférence de Poznan en décembre dernier, il y a lieu de craindre que tant que le gouvernement Harper dirigera le pays, le marché climatique ne connaîtra pas de réel essor, ralentissant de manière indéniable l’éclosion de ce nouveau créneau prometteur. C’est qu’il tarde à établir une réglementation permettant la création d’une réelle loi de l’offre et de la demande. Non content de n’avoir pas pris d’initiative dans ce dossier, il s’est aussi empressé de promettre que le prix plafond auquel pourrait être transigé la tonne de CO2 serait de 15 dollars. Ce montant est loin de celui qui pourrait être fixé par les activités boursières de ce nouveau marché. En offrant une pareille garantie aux entreprises polluantes, le gouvernement conservateur pourrait bien devoir refiler la facture aux contribuables.

Par ailleurs, comme l’objectif ultime est de rendre possible l’opérationnalisation de ce marché à l’échelle internationale, certains craignent que des hommes d’affaires ne saisissent cette mesure conservatrice pour acheter des crédits canadiens et les revendre à l’étranger où les prix sont nettement plus élevés.

Or, l’objectif initial n’était pas de créer un nouveau filon pour les spéculateurs mais de motiver les entreprises à investir dans des projets de réduction d’émission de CO2.

Sur le vieux continent, plusieurs bourses du carbone ont déjà vu le jour et elles connaissent un succès stupéfiant. Le prix de la tonne de carbone s’est transigé à des prix vacillant entre 20 et 30 euros pendant la période allant de 2005 à 2007. Jusqu’à ce jour, ce sont 9 millions de tonnes qui se sont échangées et les sommes transigées se calculent en milliards. Il est vrai que les récentes turbulences boursières ont provoqué un ralentissement de ce marché, mais elles n’ont pas pour autant entraîner son effondrement. La bourse du carbone devra par nature s’adapter aux changements que subiront les compagnies elles-mêmes dont elle dépend inévitablement.

Pour le moment, les sociétés qui ont conclu des contrats à terme à la bourse du carbone de Montréal l’ont fait sur une base volontaire. Les entreprises considérées comme de «grandes émettrices» de CO2 (près de 700 au Canada) appartiennent essentiellement aux secteurs pétrolier, minier, manufacturier et à celui de la production d’énergie. Quant aux autres, elles devraient voir là une opportunité d’affaires possiblement aussi verte que rentable. Vivement alors que le Fédéral agisse!

Myrna Chahine

Professeure de philosophie

Cégep Marie-Victorin

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