2
Apr

Donald Trump et ses tarifs douaniers sèment une grande inquiétude

Partager :
Auteur:  
Guy Hébert

Depuis son élection au mois de novembre 2024 et surtout depuis son assermentation le 20 janvier 2025, le nouveau président des États-Unis Donald Trump a donné à son second mandat un départ canon en annonçant que le gouvernement américain allait imposer, à compter du 12 mars 2025, des tarifs de 25% sur les exportations canadiennes d’aluminium, d’acier et de bois vers les États-Unis.

Le Président Trump ne cesse de dénigrer le Canada dans son ensemble en le traitant de mauvais partenaire commercial et en menaçant d’imposer des pressions économiques sur le pays pour en faire le 51e état des États-Unis.

Dans le but de regarder comment cette nouvelle barrière tarifaire allait impacter les activités des trois secteurs industriels directement ciblés par cette première salve de tarifs, plusieurs intervenants ont été consultés. Il est important de souligner que ces échanges ont eu lieu au mois de février dernier et que le décret présidentiel n’était pas encore entré en vigueur.

Le bois

L’industrie du bois est déjà entrée dans un nouveau cycle de tarifs de 14.45% au mois d’août dernier et une seconde tranche est prévue s’ajouter en septembre prochain. Ce nouveau tarif de 25% prévu pour le 12 mars ne fait qu’exaspérer l’industrie. Les tarifs déjà prévus représentent une cinquième ronde de tarifs imposés au bois canadien vendu aux États-Unis au cours des dernières années. Et chaque fois que les Américains s’attaquent au bois, le gouvernement canadien remporte toujours sa contestation devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces tarifs résultent d’un imbroglio dans l’interprétation de l’ALENA (Accord de libre-échange Nord-Américain) devenu ACEUM (Accord Canada États-Unis Mexique),

« Le Québec exporte 87% de sa production de bois aux États-Unis et dans une région comme le Bas-Saint-Laurent, c’est le seul secteur industriel réalisant des activités d’envergure, outre le tourisme, avec de grandes industries comme Sappi, une société sud-africaine établi à Matane qui fait de la pâte chimico-thermomécanique blanchie (BCTMP) fabriquée à partir de feuillus ou d’érables, la papetière Cascade de Cabano et le fabricant de panneaux d’armoires Uniboard de Sayabec. À cela s’ajoute une bonne dizaine de grandes scieries », explique Stéphane Forest, directeur général du Syndicat des producteurs forestiers du Bas-Saint-Laurent (SPFBSL), un organisme regroupant 8 550 membres et 1200 producteurs de bois.

« C’est bien beau de dire qu’il faut diversifier nos marchés, mais le magnétisme du marché américain ne peut être rejeté du revers de la main, surtout que des océans nous séparent des marchés alternatifs. Nous savons que la clé pour trouver une solution repose entre les mains des gouvernements canadien et québécois, mais nos membres sont quand même incrédules face à un avenir incertain à court terme », poursuit Stéphane Forest. « Nous nous attendons à ce que des usines moins performantes ferment leurs portes et que d’autres entreprises décident de suspendre leurs opérations afin de ne pas endommager leurs actifs.

Pour Jean-François Samray, directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec, le tout se fera aux dépens des consommateurs états-uniens : « Nous vivons comme une industrie offrant des produits de qualité très appréciés aux États-Unis. Nos consultants américains disent qu’il n’y a pas de meilleur bois de charpente que nos produits résineux de la forêt boréale. Les nouveaux tarifs sont un enjeu parmi tant d’autres pour nos membres. Pour les consommateurs américains, qui continueront à acheter nos produits, car ils en ont besoin, il s’agit d’une hausse de prix engendrée par des politiques de leur nouveau gouvernement. »

L’acier

L’économie canado-américaine est très intégrée et dans un domaine comme l’acier, qui génère des échanges commerciaux de 20 milliards de dollars. 40% des importations d’acier du Canada viennent des États-Unis.

« L’imposition de ce nouveau tarif de 25% survient à un moment où le Canada a travaillé d'arrache-pied pour harmoniser sa politique commerciale avec celle des États-Unis afin de protéger les deux marchés. Par exemple, le Canada a mis en place ses propres tarifs douaniers sur les importations d'acier chinois et un système de surveillance de toutes les importations pour s'assurer d'identifier le pays de fonte et de coulée » affirme Catherine Cobden, présidente et cheffe de la direction de l'Association canadienne des producteurs d'acier (ACPA).

Lorsque le président Trump a imposé des tarifs douaniers sur l'acier canadien en 2018, il y a eu d'importantes perturbations et des préjudices de part et d'autre de la frontière, qui ont nui aux États-Unis et au Canada.

« Cibler l'acier et l'aluminium canadiens est totalement infondé et injustifié, et nous devons prendre des mesures de rétorsion immédiatement. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que le président américain, Donald Trump, menace encore une fois d'imposer d'autres tarifs au Canada, cette fois en ciblant directement les secteurs de l'acier et de l'aluminium. Nous exhortons de toute urgence le gouvernement du Canada à agir de nouveau avec détermination pour lutter contre cette menace et à faire en sorte que toute mesure prise contre notre secteur donne lieu à des mesures de rétorsion et des mesures visant à contrebalancer les effets dévastateurs que les tarifs douaniers auraient sur notre secteur et nos travailleurs », ajoute madame Cobden.

L’aluminium

Aux États-Unis, plus de 5 millions de tonnes d’aluminium sont requises pour répondre à la demande annuelle et près de 3 millions de tonnes proviennent du Canada. Avec 11 alumineries au Canada dont 10 au Québec, cette ultraperformante industrie canadienne de l’aluminium trouve que les tarifs douaniers de 25% qui seront imposés sur les exportations canadiennes sont totalement injustes et perturbateurs. L’Association de l’aluminium du Canada (AAC) croit qu’un tarif de 25% sur l’aluminium canadien destiné aux États-Unis ne fera que nuire aux emplois et aux industries américaines, notamment dans les secteurs de la défense, de l'automobile, de la construction et du logement.

Selon le président et chef de la direction de l’AAC, Jean Simard : « À une époque où l'on veut maintenir le prix des biens de consommation courante à un bas niveau et garantir de bons emplois dans le secteur manufacturier américain, un tarif douanier ne fera qu'augmenter les prix, ce qui nuira au portefeuille des Américains et sapera le programme que le gouvernement américain dit vouloir réaliser. Nos 9 500 travailleurs canadiens produisent de l’aluminium qui est traité, transformé et fabriqué sous forme de pièces, de composantes et de produits d’usage courant par 700 000 travailleurs bien rémunérés du secteur manufacturier américain, générant plus de 228 milliards de dollars de production économique rien que pour l’économie américaine. »

« Comme par le passé, l’industrie et les gouvernements travailleront main dans la main pour maintenir notre écosystème national de l’aluminium, un héritage plus que centenaire, qui contribue à notre défense collective et à notre sécurité économique. Nous continuerons à travailler avec nos gouvernements, notre ambassadeur et nos collègues industriels et syndicaux canadiens, en maintenant un front uni. Nous nous adresserons aussi activement à nos parties prenantes aux États-Unis – clients, entrepreneurs, entreprises, travailleurs, élus – dont le gagne-pain quotidien dépend de l’utilisation de notre métal », renchérit monsieur Simard. « C’est pourquoi l’aluminium canadien doit rester exempt de tout tarif douanier, en raison de son rôle stratégique dans la chaîne de valeur industrielle intégrée de l’Amérique du Nord. »

Les secteurs du bois, de l’acier et de l’aluminium sont les trois premiers secteurs ciblés par le Président Donald Trump pour imposer des tarifs de 25% sur les exportations canadiennes. Avant même que ces tarifs douaniers deviennent effectifs, le président américain menace d’imposer des tarifs sur toutes les exportations canadiennes entrant aux États-Unis. Et de soin côté, appuyé par de nombreux entrepreneurs et associations industrielles, le gouvernement canadien prépare sa riposte. Les amateurs d’incertitude sont servis à souhait en ce début d’année 2025.

Lire notre plus récent magazine
Nos annonceurs