Le grand patron, c’est Nicolas Duvernois, qui distille des conseils entrepreneuriaux à la populaire émission « Dans l’œil du dragon » de Radio-Canada. Avec le succès mondial de son entreprise, les jours où il nettoyait les planchers de l’hôpital Sainte-Justine sont loin derrière.
Au quotidien toutefois, c’est Pier-Alexandre Corriveau-Larochelle qui supervise ce qui se passe sur les 20 000 pieds carrés de plancher de production de l’usine de Duvernois Esprits Créatifs, à Rougemont en Montérégie. C’est là qu’est notamment distillée la Pur Vodka, le produit vedette de l’entreprise.
À titre de directeur des finances et des opérations, il s’assure notamment de l’approvisionnement régulier par camion-citerne d’une eau de source unique provenant de Beauport, dans la région de Québec.
C’est l’ingrédient de départ puisque, rappelle M. Corriveau-Larochelle en entrevue au magazine MCI, cette eau cristalline représente 60% du contenu des bouteilles de vodka, le reste étant de l’alcool pratiquement pur, de l’éthanol à base de maïs. « Cette eau-là est super essentielle pour avoir ce goût », dit-il.
L’eau est pompée vers l’une des cuves de 27 000 litres par un système de tuyauterie de 1 1/2″ et de robinetterie entièrement fait d’acier inoxydable, un matériau qui n’altère pas le goût et facilite le nettoyage.
« La composition chimique de la vodka, c’est de l’eau et de l’alcool. Il faut que ce soit le plus pur possible, donc il faut qu’il y ait zéro contaminant », dit M. Corriveau-Larochelle au sujet des stricts contrôles de qualité internes.
On commence par verser l’eau dans les cuves parce que commencer par de l’alcool à 98% pourrait se révéler dangereux. À une telle teneur, l’alcool est hautement volatil et la moindre étincelle de statique pourrait l’enflammer. C’est pour cette raison que les cuves sont mises à la terre et qu’on préfère verser l’alcool dans de l’eau plutôt que l’inverse.
Chacune des cuves où macère le mélange est équipée d’une jauge qui calcule la hauteur du liquide, qui est reconvertie en litres. « On est capables avec le calcul de base d’arriver à 27 000 litres d’un mélange à 40% par exemple », explique M. Corriveau-Larochelle.
« C’est super important cette pause-là entre la base d’eau et la base d’alcool, qui fait en sorte qu’il y a un amalgame, une homogénéisation qui amène nécessairement un adoucissement du mélange », ajoute le directeur d’usine pour illustrer qu’on n’embouteille pas dès l’instant où on a atteint un volume d’alcool de 40%. Il faut laisser le mélange reposer pendant environ six semaines.
Il est possible d’accélérer le processus en oxygénant le mélange par brassage en utilisant un dispositif de type vis sans fin, qui reproduit l’effet du temps qui passe.
Et quand le client (la SAQ par exemple) exige un spiritueux 40%, il faut être exact, à 0,2% près. La fourchette peut ainsi varier de 39,8% à 40,2% pour satisfaire aux normes.
Des canalisations séparées sont dédiées au transfert de chacun des différents fluides, par exemple l’eau, l’alcool, la vodka, le gin ou les liquides aromatiques pour les prêts à boire en canettes.
Environnement contrôlé
La température ambiante doit être consciencieusement contrôlée. « Au niveau de la production il fait toujours entre 15o C et 20o C. Il ne faut pas que ça gèle et il ne faut surtout pas qu’il y ait de sources de chaleur », précise M. Corriveau-Larochelle.
L’humidité doit également être contrôlée dans certaines aires d’entreposage, notamment pour le sucre utilisé dans les canettes de prêt à boire qui pourrait s’agglomérer autrement.
Pour ce qui est des spiritueux, l’entreprise embouteille à un rythme de 6 000 litres par jour. Le liquide doit toutefois refroidir dans une pièce où la température est plus basse avant l’embouteillage. « Pour éviter que ça fasse des bulles dans la machinerie », explique M. Corriveau-Larochelle.
Le refroidissement est plus actif et particulièrement important pour les prêts à boire, auxquels on ajoute du gaz carbonique pour les rendre pétillants. « Comme il y a une carbonation, il faut que le mélange soit à 1o C ou 2o C maximum, sinon ça crée de la mousse », indique le directeur d’usine.
Les cuves des prêts à boire sont donc, elles, refroidies par un système de circulation de glycol en serpentins, qui accélère ce refroidissement.
De retour aux spiritueux, avant l’embouteillage tout l’équipement est nettoyé, aseptisé et ajusté en fonction du produit. « Il y a un réglage qui est fait parce que les bouteilles n’ont pas toutes la même hauteur. Donc il y a toute une mise à niveau pour ce qui est de l’étiquetage, du choix du bouchon. »
Après quelques bouteilles tests, l’embouteillage en série d’un lot peut commencer. « La machine vient prendre les bouteilles, les dépose sur un convoyeur qui les pousse dans ce convoi d’embouteillage », explique M. Corriveau-Larochelle.
Elles sont ensuite remplies à l’aide de buses à niveau qui assurent que ce soit le nombre de millilitres précis qui soit injecté.
« Il faut vraiment qu’il y ait un espace entre le niveau liquide et le bouchon, parce que sinon la pression est trop grande et ça fait sauter le bouchon », dit-il pour illustrer l’importance de cette précision.
Les bouteilles sont ensuite dotées par une machine de leur bouchon de liège synthétique, de leur coiffe scellante, puis de leur étiquette.
La dernière innovation de l’entreprise en matière d’automatisation date d’environ un an : Une machine a remplacé les humains pour placer dans les boîtes les bouteilles prêtes à la mise en tablettes et y apposer un ruban adhésif.
« Maintenant la machine monte la boîte, elle met le ruban en-dessous, un système de convoyeur vient positionner les bouteilles 3-3-3-3 et fait une succion au niveau des bouteilles pour les mettre directement dans les boîtes », précise le porte-parole.
Ensuite, un employé place les caisses sur une palette qui sera enrobée de pellicule plastique par une autre machine en vue de l’expédition par camion à la SAQ.
La technologie au service de l’entretien
Un entretien régulier est effectué sur les pompes et autres machines utilisées pour la production, les spécialistes étant à l’affût de signes d’usure prématurée ou de fuites, à titre d’exemple.
Mais une fois de plus, la technologie vient à la rescousse.
« Il y a des sondes qui peuvent arrêter la machine si jamais il y a un dysfonctionnement, par exemple la pression du liquide qui n’est pas adéquate ou s’il y a de la résistance qui est trop élevée dans une des sections », explique notre invité, précisant qu’un panneau de contrôle envoie alors une alerte à une personne responsable de l’entretien.
« Dès qu’il y a une problématique, la machine son moyen de sécurité c’est de s’arrêter », dit M. Corriveau-Larochelle, précisant qu’elle émet alors un code d’erreur permettant de guider le technicien sur une piste de diagnostic.
Prévoir 15 mois d’avance
Vous avez entendu parler de dérèglement de la chaîne d’approvisionnement mondiale? Les gens de Duvernois Esprits Créatifs aussi. Les bouteilles qu’ils utilisent proviennent de France parce qu’il n’y a pas de verrerie au niveau local capable de fournir de tels volumes et que l’entreprise ne veut pas de bouteilles provenant de Chine.
« La répercussion, c’est des délais d’approvisionnement plus longs », résume M. Corriveau-Larochelle. C’est ainsi qu’en septembre 2021 il a dû faire ses commandes de décembre 2022.
« Il fallait que je prédise toute la production, les quantités, les prévisionnels, 15 mois à l’avance, que j’envoie mes bons de commande 15 mois d’avance », dit-il, précisant que ces délais étaient jusqu’à récemment de trois mois.
Et quand on parle de gros volumes, qu’il suffise de mentionner que, tous produits confondus, l’usine a produit 730 000 litres en 2020, contre 30 000 litres en 2014, une croissance de plus de 2 400 %!
Images : Duvernois Esprits Créatifs
Par Eric Bérard