Le monde a cessé de tourner au début de l’année 2020, alors qu’on prenait connaissance de l’apparition d’un nouveau coronavirus qui fauchait des vies par milliers, dans le monde entier.
Il fallait des vaccins et il les fallait vite. Et ces vaccins devaient non seulement être efficaces contre la terrible COVID-19, il fallait aussi s’assurer qu’ils soient sûrs. Bref, l’industrie pharmaceutique a dû conjuguer souplesse logistique et rigueur scientifique pour vaincre la bête.
Le Magazine MCI s’est entretenu des stratégies anti-COVID déployées par deux géants de ce secteur : Glaxo Smith Kline (GSK) Canada et Pfizer Canada. Tous deux insistent sur l’importance de la planification lorsque pareille situation exceptionnelle survient.
« Le 13 mars 2020, Pfizer a dévoilé un plan en cinq points appelant l’industrie biopharmaceutique à collaborer à la lutte contre la COVID-19 », explique Christina Antoniou, directrice des affaires de l’entreprise chez Pfizer Canada.
Ce plan impliquait le partage des connaissances à travers la communauté scientifique, la mobilisation des troupes en unités « SWAT », l’appui sur l’expertise développée au fil des ans, l’utilisation maximale des capacités de production et l’apprentissage de l’expérience COVID pour d’éventuelles autres pandémies à venir.
Son de cloche similaire chez GSK, où Christophe Mulfinger, directeur du site de Sainte-Foy dans la région de Québec, insiste sur le fait qu’une « planification adéquate est nécessaire lorsqu’il s’agit de réfléchir aux capacités de production, à l’approvisionnement et aux exigences de livraison. »
M. Mulfinger ajoute que la fabrication de vaccins est un processus complexe qui comporte de nombreuses étapes. Et même sous les pressions des gouvernements, le bien-être des patients arrive toujours en tête de liste. « Environ 70% du temps de production est consacré aux contrôles de qualité », précise l’expert GSK.
Repenser la chaîne d’approvisionnement
Une fois l’efficacité et l’innocuité des vaccins validés par les chercheurs et l’acceptation des autorités gouvernementales, encore faut-il les produire en quantité suffisante et les acheminer jusque dans les bras des Canadiens.
« Nous avons réorganisé, dans l’ensemble de notre réseau mondial de fabrication, les activités de production que nous sommes en mesure d’assurer et nous avons mis en œuvre des délais de transfert technique accélérés afin de soutenir les activités liées à la pandémie ainsi que nos collaborations », explique M. Mulfinger.
Pfizer aussi a dû revoir sa chaîne d’approvisionnement, entrante et sortante. « Nous avons élargi et amélioré nos capacités de fabrication afin de distribuer plus de doses de notre vaccin COVID-19 aussi rapidement que possible », précise Mme Antoniou, ajoutant qu’il a fallu optimiser le processus des lignes de fabrication, agrandir des établissements de production et trouver des fournisseurs additionnels, notamment pour les intrants qui entrent dans la composition du vaccin.
Concrètement pour Pfizer, cela a impliqué, entre autres choses, de doubler la taille des lots afin de minimiser le temps entre chacun d’eux, d’augmenter le rendement par lot puisque chaque dose compte, de réduire les temps de cycle à chaque étape et déployer des méthodes de test en laboratoire plus rapides pour réduire les délais de mise sur le marché.
« Au départ, notre usine de Kalamazoo, au Michigan, était le principal site de fabrication de notre vaccin COVID-19 aux États-Unis. Notre site de Puurs, en Belgique, fournissait le reste du monde [y compris le Canada] », rappelle la porte-parole de Pfizer, précisant que les deux sites ont été approuvés par Santé Canada.
« Au moment opportun, en mai, nous avons pu faire la transition et commencer à recevoir des États-Unis notre approvisionnement en vaccins pour le Canada », ajoute Mme Antoniou.
Les leçons de la grippe saisonnière
Elle est plus féroce et mortelle que les autres formes de grippe, mais il reste que la COVID-19 – avec ses variants – entre dans la grande famille grippale et que les entreprises pharmaceutiques ont pu s’appuyer sur leur expérience de flexibilité développée au fil des ans, puisque les vaccins contre la grippe saisonnière diffèrent pratiquement chaque année, selon la souche prédominante lors d’une année donnée.
Chez GSK, M. Mulfinger rappelle que les vaccins antigrippaux que l’entreprise produit sont mis au point selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des organismes de réglementation régionaux qui sont publiées deux fois par an.
« Le centre de fabrication de GSK à Sainte-Foy, l’un des 12 centres de fabrication de notre réseau mondial, produit actuellement la quasi-totalité des vaccins contre la grippe saisonnière au Canada. Le centre produit également des vaccins pour les États-Unis et le Mexique », précise-t-il.
70 millions de doses
C’est aussi à Sainte-Foy que sont traités les adjuvants destinés aux vaccins anti-COVID-19 sur lesquels GSK travaille avec ses partenaires Sanofi (de France) et Medicago (du Québec). « Un adjuvant peut être ajouté à un vaccin pour renforcer la réponse immunitaire de l’organisme, ce qui signifie qu’il faut moins de vaccin pour obtenir le même résultat », indique M. Mulfinger.
L’automne dernier, GSK, Sanofi et Medicago ont signé des ententes avec le gouvernement du Canada visant à fournir plus de 70 millions de doses du vaccin adjuvanté contre le virus de la COVID-19. Les travaux en collaboration avec Medicago et Sanofi en sont maintenant au stade final des essais.
L’arrivée prochaine du vaccin piloté par GSK correspond à un pic du variant Delta et celui-ci a fait partie de l’équation lors des différentes étapes du développement. « Nous prenons absolument en compte la situation des variantes de virus en évolution et intégrons ces informations dans nos protocoles de test en conséquence », affirme M. Mulfinger.
Il est probable que deux doses de ce vaccin seront nécessaires. « Mais nous explorons également leur utilisation potentielle comme vaccins de rappel au cas où cela serait recommandé par les autorités (par exemple, une dose administrée chaque année) », ajoute le spécialiste de GSK.
Pfizer aussi est passée par ces étapes. Et si l’angoisse fait partie de l’aventure, celle-ci n’est jamais banale. « La recherche et le développement de vaccins connaissent aujourd’hui une période passionnante, car les découvertes scientifiques, les progrès technologiques et les paradigmes réglementaires ouvrent la voie à de nouveaux vaccins », souligne Mme Antoniou.
Celle-ci rappelle qu’au fil des ans et des découvertes, les vaccins ont permis de contrôler, d’éliminer ou de quasi éliminer dans le monde entier de nombreuses maladies infectieuses qui étaient autrefois omniprésentes et souvent mortelles, comme la variole et la polio.
Protection à l’interne contre les virus – biologiques et informatiques
Si vous lisez ceci pendant une pause de télétravail, sachez que les industries pharmaceutiques ont elles aussi déployé des mesures pour limiter la propagation de la COVID-19 parmi leurs employés et ont opté, lorsque c’était possible, pour la flexibilité du travail à distance.
« Le 13 mars 2020, Pfizer a donné l’ordre à tous les employés du siège social et sur le terrain, les sous‑traitants et les fournisseurs tiers non essentiels sur place de travailler de la maison afin d’assurer leur sécurité et de réduire au minimum la propagation du virus dans notre communauté », indique Mme Antoniou.
Mais l’industrie pharmaceutique en étant une où le secret industriel est d’or, des initiatives de protection informatique ont également été mises de l’avant pour éviter les fuites ou l’altération de données.
« Nous avons mis en place de solides systèmes de sécurité de l’information pour nous assurer que nous restons connectés dans un environnement numérique sûr et sécurisé », assure la porte-parole de Pfizer Canada.
Protéger tous les malades
Alors que tous les projecteurs étaient braqués sur la lutte à la COVID-19, d’autres maux continuaient d’affliger les gens et, malgré la course aux vaccins, il demeurait primordial pour l’industrie pharmaceutique de continuer à fournir les médicaments et vaccins pour contrer d’autres maladies.
« Nous devons concilier cette situation avec notre engagement continu de fournir d’autres vaccins essentiels », précise le porte-parole de GSK.
C’est dans cette optique que GSK a investi plus de 200 millions $ à son centre de Sainte-Foy depuis 2007, notamment la mise en place de nouvelles chaînes de production, une pour le vaccin contre la grippe pandémique et l’autre pour le vaccin contre la grippe saisonnière. En activité depuis 1999, le centre fonctionne 24 heures par jour, sept jours sur sept et emploie environ 750 personnes, tant pour la production que pour le contrôle de la qualité.
Et selon Mme Antoniou, Pfizer a aussi gardé à l’œil le bien-être des malades autres que ceux atteints de la COVID. « Nous avons travaillé diligemment afin d’assurer la continuité des activités et la disponibilité de nos médicaments pour le système de soins de santé canadien et les patients », dit-elle.
Par Eric Bérard