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Conflit commercial du bois d’œuvre – Un commerce bien loin d’être à sens unique

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Le regroupement des Scieries frontalières du Québec compte huit membres, en Chaudière-Appalaches, au Centre-du-Québec et en Estrie: Maibec et Matériaux Blanchet, qui exploitent des usines à Saint-Pamphile, Bois Daaquam, de Saint-Just-de-Bretenières, Les Produits forestiers D.G., de Sainte-Aurélie, Carrier & Bégin, de Saint-Honoré-de-Shenley, Roland Boulanger & Cie, de Warwick, Marcel Lauzon inc., de East Hereford et Scierie Fontaine, de Saint-Augustin-de-Woburn.

Charles Tardif, vice-président du groupe Maibec, est le président de cet organisme connu aux États-Unis sous le nom de « Quebec Border Mills ». Rencontré au début du mois d’août, au siège social de Maibec à Lévis, Charles Tardif le regroupement a été créé en juillet 2015, juste avant la fin de l’Accord sur le bois d’œuvre résineux (ABR).

D’une durée de prévue de sept ans lorsqu’il a été signé en 2006, l’ABR a été prolongé de deux ans, et les deux pays devaient respecter une trêve d’un an. Dès l’automne 2016, la « US Lumber Coalition » a porté plainte au Département américain du Commerce (DOC). Fin avril 2017, le DOC a annoncé un droit compensatoire provisoire de 19,88 % à l’ensemble des industriels. En juin, une pénalité antidumping de 6,87 % a été ajoutée. Les deux ponctions totalisent 26,75 %. Le 26 août dernier, le DOC a suspendu l’imposition du taux du CVD. Seuls les droits antidumping sont réclamés à la frontière.

Les industriels du sciage aux États-Unis ont tout à gagner en se plaignant de la concurrence des producteurs canadiens auprès du DOC, souligne Charles Tardif. « Même s’ils perdent, ils nous ralentissent, ils nous prennent des parts de marché », dit-il.

Le regroupement fait également pression auprès de ses fournisseurs de bois aux États-Unis pour que ceux-ci fassent du lobbying auprès de leurs élus dans les états limitrophes et à Washington. Les gestionnaires américains ont tout intérêt à soutenir leurs acheteurs québécois, dont la présence permet de maintenir une saine concurrence et de stabiliser le marché du bois rond. « La forêt est là, elle ne se déménage pas. Le marché des arbres ne peut être que régional, car le produit a une faible valeur et on ne peut le transporter très loin », précise Charles Tardif.

Le vice-président de Maibec rappelle que l’ABR est entré en vigueur tout juste avant la crise immobilière qui a fait chuter la demande pour le bois canadien. Le Québec et l’Ontario avaient choisi de restreindre leurs exportations en fonction d’un prix cible. Selon les estimations de l’époque, le prix devait être plus élevé à 60 % du temps. À cause de l’éclatement de la bulle immobilière, la faible demande a maintenu le prix du bois d’œuvre sous le prix cible à plus de 70 % du temps, durant la durée de l’ABR.

Expansion et modernisation

Contrairement aux autres scieries frontalières, le groupe Maibec ne produit pas que du bois d’œuvre, mais aussi des lambris pour patios et des bardeaux. Environ la moitié de son chiffre d’affaires provient d’autres marchés que le bois ouvré utilisé pour la construction.

« On parle de bois classé mécaniquement pour faire des poutres ou des fermes de toit, du bois spécialisé pour la production de patios, du bois traité, et du bois transformé en lambris, un de nos produits phares, et d’autres produits différenciés. Ils sont vendus à forfait. Et par ailleurs, on a aussi développé une production distincte dans les bardeaux, dans le paillis horticole, etc. », précise Charles Tardif.

La direction de Maibec est en train de revoir sa planification stratégique. Charles Tardif assure que le conflit commercial n’a aucune influence sur les décisions de l’entreprise.

« On n’en tient pas compte dans notre plan d’affaires, parce que l’on considère avoir droit à un statut particulier. On ne voit pas pourquoi on ne sera pas exclu cette fois-ci », dit-il.

En janvier 2015, Maibec a acheté une usine à Masardis, au Maine, située à 129 km en ligne droite des installations de Saint-Pamphile. J.D. Irving exploite aussi une scierie dans la même municipalité. Elle est située en plein milieu du massif forestier où s’approvisionne Maibec depuis toujours.

« Les gens de l’Ouest ont fait la même chose. Les industriels de l’Ouest ont acheté pas loin de 50 usines aux É.-U. jusqu’à maintenant. Le principe est bon pour nous. L’usine n’a évidemment pas à payer de taxes à l’importation, et elle est profitable. Ça nous permet de stabiliser les revenus », dit-il.

Maibec a investi 30 millions $ dans ses installations de Saint-Pamphile depuis 2014. Cela inclut les coûts de reconstruction de l’usine de rabotage, qui s’est effondrée l’hiver dernier. Charles Tardif souligne que les installations de Masardis ont été mises à contribution après ce sinistre, car les équipements de classement mécanique (MSR) étaient devenus inutilisables à Saint-Pamphile.

« Si on a investi autant d’argent depuis 2014, c’est parce qu’on n’avait pas investi dans la scierie depuis 2003. On a investi ailleurs, mais pas là. Notre productivité avait pris du retard, par rapport à l’industrie du Québec, qui est déjà en retard sur celle de la Colombie-Britannique, à cause de leur structure industrielle, économique et aussi de la valeur du bois plus élevée. Eux, ils ont pu investir durant la crise, mais pas nous », raconte-t-il.

Longue histoire

Malgré ce cinquième conflit, l’entreprise familiale entend poursuivre son expansion en exploitant la forêt du Maine. Charles Tardif montre la carte du territoire exploité par les scieries frontalières. Au milieu du XXe siècle, les propriétaires de ces terres cherchaient un marché pour leur bois.

Par Alain Castonguay

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