Au moment d’écrire ces mots, la question demeure toujours entière et elle risque fort de l’être encore pour plusieurs mois. Pour certains, un retour à la normale est attendu dès 2021, alors que d’autres devront montrer des signes de patience. Dans une lettre économique de la Banque de développement du Canada (BDC), le produit intérieur brut (PIB) pourrait retrouver sa vigueur d’avant crise de la COVID-19 quelque part entre l’été 2021 et l’automne 2023.
Chose certaine, la prudence sera certainement de mise, avance l’institution financière qui se consacre uniquement aux entrepreneurs. « La contraction économique causée par la pandémie ne fait plus aucun doute. Mais la date d’un retour à la normale, lorsque nous retrouverons le niveau d’activité économique précédant la mise en place des mesures de distanciation physique, est beaucoup moins certaine », croit la BDC.
Les secteurs se prêtant beaucoup plus facilement à la distanciation physique retrouveront leur rythme avant les autres. Selon une analyse de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) citée par la BDC, les secteurs qui présentent des risques d’infection plus élevés pour les travailleurs affichaient également les pertes d’emplois les plus importantes (sauf pour les services essentiels).
Ces industries, dont certains sous-secteurs du commerce de détail, de l’hébergement ou de la restauration, pourraient par ailleurs connaître des reprises plus lentes, voire même interrompues, surtout si une deuxième vague d’infections devait avoir lieu. Par ailleurs, si les secteurs manufacturiers et de la construction se prêtent beaucoup plus facilement à la distanciation physique, leur bonne tenue dépendra avant tout de la demande pour leurs produits.
Des secteurs de l’économie à surveiller
D’abord, l’industrie canadienne de la construction était parmi les plus affectées au début de la crise. La chute de plus de 40 % des heures travaillées en avril par rapport à février en est un indice probant. Cependant, comme la distanciation physique se prête mieux que la plupart des industries ou secteurs d’activités, le rebond dans ce secteur s’est depuis confirmé alors que les heures travaillées étaient en mai à 20 % de leur niveau pré-crise.
« L’industrie devrait être parmi les premières à retrouver ses repères. Le devancement de certains projets d’infrastructures planifiés par les gouvernements contribuera à sa remise sur pied », explique le BDC.
Le projet de loi 61, c’est-à-dire le plan de relance économique dévoilé le 3 juin dernier par le gouvernement du Québec, à l’intérieur duquel se trouve plus de 200 projets, pourrait s’inscrire dans cette logique. Or, les inquiétudes manifestées par les partis d’opposition ont cependant obligé le gouvernement du premier ministre François Legault a retardé à plus tard, possiblement à l’automne, son adoption.
D’autre part, tout comme dans d’autres continents sur la planète, notamment en Asie et en Europe, le secteur manufacturier a été le premier à reprendre ses activités après le déconfinement, si bien que le niveau des heures travaillées par rapport à février est passé de 71 % en avril à 83 % en mai.
Cependant, la réduction du pouvoir d’achat des ménages, jumelée à une grande prudence de leur part, aura toutefois un impact sur la demande dans certains secteurs, croit la BDC.
« Les sous-secteurs manufacturiers retrouveront ainsi leur volume d’activité à différentes périodes au cours des prochaines années. S’il fallait généralement attendre la fin de 2021 pour retrouver le niveau de production atteint en 2019, l’industrie alimentaire devrait y parvenir dès l’hiver prochain, tandis que le secteur de l’aérospatial risque de patienter jusqu’à la fin de 2022, alors que le secteur automobile devra attendre jusqu’en 2024 », précise la BDC.
Le commerce de détail en prend pour son rhume
Le commerce de gros et de détail est très certainement un des secteurs de l’économie qui a le plus souffert de la crise, et qui risque d’en souffrir pour encore quelque temps. En avril, les heures travaillées dans ce secteur étaient 30 % inférieures à celles de février. Cependant, même si le maintien des restrictions en mai (notamment dans les centres commerciaux), les heures travaillées sont néanmoins en hausse, soit à 81 % du niveau précédant la crise. La réouverture graduelle des commerces devrait épauler la reprise au cours des prochains mois.
Malgré la réouverture des commerces, les premiers indicateurs montrent d’ores et déjà que l’achalandage reste en forte baisse par rapport à l’an dernier. Prudents, les ménages prendront un certain temps à retourner à leurs anciennes habitudes de consommation.
Une étude de la Oxford Economics prévoit d’ailleurs qu’il faudra patienter au moins un an, soit jusqu’à l’été 2021, pour un retour au niveau d’activité pré-crise. Il faut toutefois s’attendre à ce que certains sous-secteurs performent mieux que d’autres, notamment ceux ayant déjà effectué leur virage numérique. Les consommateurs risquent également de se tourner davantage vers les produits locaux.
Selon la BDC, le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) prévoit s’en sortir relativement bien dans les circonstances dans les prochaines années. Avec la « découverte » des bienfaits du télétravail, et de son efficacité, des entreprises ont déjà manifesté leur intérêt de prévoir des investissements pour accroître le télétravail dans les années à venir.
Par ailleurs, dans la foulée de l’explosion fulgurante des ventes en ligne, des sondages internes de la BDC révèlent des intentions accrues chez les entrepreneurs d’investir dans le commerce électronique. Cela étant, la BDC évalue que ce secteur retrouvera son niveau d’avant-crise dès l’hiver prochain et il présentera également à moyen terme de meilleures perspectives que s’il en avait été autrement.
Enfin, le tourisme demeurera dans l’incertitude au-delà de cette année. Toujours selon l’étude de la Oxford Economics, une réduction de près de la moitié de l’activité touristique en 2020 est prévue et un retour à la normale en 2022 au plus tôt.
Rappelons à ce sujet que le gouvernement du Québec a annoncé à la mi-juin un immense plan de relance de ce secteur d’activités de 753 M$. Plus de la moitié de cette somme (446 M$) sera allouée dans le cadre du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE) pour les entreprises affectées par la COVID-19. Les conditions d’emprunt de ces prêts et garanties de prêts seront aussi plus avantageuses.
De plus, une somme supplémentaire de 200 M$ sera ajoutée au Programme d’appui au développement des attraits touristiques (PADAT) pour appuyer le tourisme d’affaires en milieu hôtelier en 2020-2021.
À noter qu’avec l’annulation de nombreux voyages à l’extérieur du pays, les Canadiens avaient davantage l’intention de passer leurs vacances au Canada, indiquait d’ailleurs un sondage du Conference Board publié en mai.
Par Alexandre Lampron