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Chaîne d’approvisionnement instable : des défis, mais aussi des opportunités

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Par Claude Boucher

Pénuries de certains matériaux et composantes, livraisons retardées ou même annulées, hausse faramineuse des coûts de transport, la chaîne d’approvisionnement mondiale connait depuis le début de la crise de la COVID-19 des soubresauts que personne n’avait vu venir. Cette instabilité et ce déséquilibre causent bien des maux de tête aux entrepreneurs, qui doivent s’assurer d’avoir tous les intrants nécessaires à leur entreprise, en temps voulu. Mais selon Investissement Québec, il faut aussi y voir de formidables opportunités pour le Québec.

L’ennemi numéro 1 d’une chaîne d’approvisionnement, c’est l’instabilité. Avec les fermetures temporaires d’entreprises fournissant des composantes importantes comme les semi-conducteurs en Asie, en raison de la COVID-19, le chaos organisé de la chaîne d’approvisionnement s’est tout simplement désorganisé. Résultat : des délais de livraison incertains, des coûts à la hausse, et une foule de pénuries de matières premières, de pièces manufacturées et d’assemblages semi-finis. En réponse à ces problématiques, on a vu s’accroitre de façon fulgurante, au cours des dernières années, les espaces d’entreposage. Du Just in time, on est passé au Just in case.

Mais selon Stéphane Drouin, vice-président, Achat québécois et développement économique, Investissement Québec, le surstockage pour réduire les risques de pénurie n’est pas une solution viable à long terme à la crise de la chaîne d’approvisionnement.

« Je n’appellerais plus ça une crise, mais plutôt une période de transition. Présentement, il y a tout un nouvel équilibre est en train de se créer au niveau des chaînes d’approvisionnement, et le déséquilibre actuel fait partie du contexte de crise qui continue en termes de pénurie de ressources pénurie de matières premières, d’inflation, de difficultés logistiques. Le ralentissement économique a un peu effacé l’enjeu logistique, mais ça va recommencer dès que la demande va augmenter. Oui, on est un peu en crise, mais c’est une crise qui est une période de transition vers un nouvel équilibre dans les chaînes d’approvisionnement. »

Selon lui, la COVID-19 n’aura été qu’un élément contextuel qui est venu révéler la grande fragilité de nos chaînes d’approvisionnement. Au-delà des soubresauts qui peuvent créer un déséquilibre temporaire, comme une grève dans un port important, les secousses sismiques des tensions géopolitiques et les enjeux climatiques ont un impact plus durable. Guerre en Ukraine, crise énergétique en Europe, intentions d’annexion de Taiwan par la Chine, tout y est pour mettre du sable dans l’engrenage. Et alors que la mondialisation et les accords commerciaux internationaux avaient allongé la chaîne d’approvisionnement, on assiste maintenant au phénomène inverse.

« La chaîne d’approvisionnement était rendue très longue », souligne Stéphane Drouin. « On faisait beaucoup d’approvisionnement dans les pays éloignés, et on commence à voir les entreprises chercher à raccourcir leur chaîne d’approvisionnement, surtout sur des intrants stratégiques, prioritaires ou à valeur ajoutée. »

À la recherche de fournisseurs locaux

D’une chaîne mondiale, on passe donc à une nord-américanisation de l’approvisionnement. Investissement Québec voit dans cette recherche d’un nouvel équilibre, cette période de transition, de grandes opportunités pour l’économie québécoise.

« Le phénomène de nord-américanisation de la chaîne d’approvisionnement rend le Québec très attrayant. On a aussi des entreprises québécoises qui nous appellent et qui cherchent des fournisseurs de proximité, qui veulent changer des fournisseurs éloignés pour des fournisseurs de proximité, et qu’est-ce qui peut être disponible au Québec. »

Investissement Québec travaille donc à aider les entreprises à raccourcir leur chaîne d’approvisionnement. Le bras « Développement économique » du gouvernement s’est doté d’une équipe qui accompagne les entreprises dans la substitution des importations.

« On offre un accompagnement, on effectue la prise de besoins, et on fait une recherche exhaustive dans tout le Québec, avec nos partenaires, les organismes sectoriels, pour trouver des fournisseurs à cette entreprise. On fait ensuite un maillage avec les entreprises qui ont démontré un intérêt, qui ont des capacités. On a présentement une centaine de dossiers d’accompagnement pour la substitution d’importation », explique Stéphane Drouin.

Mais alors que bien des fournisseurs québécois sont déjà en surchauffe, cette solution est-elle viable?

« Beaucoup d’entreprises qu’on contacte ont encore de l’intérêt à prendre de la production additionnelle, et sont ouvertes à prendre de nouveaux clients. C’est notre travail, cette démarche pour trouver ces fournisseurs et faire des maillages. »

Stéphane Drouin souligne aussi qu’il ne s’agit pas toujours de remplacer tout l’approvisionnement à l’étranger par un approvisionnement local. Le simple fait de confier 30% de son approvisionnement à un fournisseur québécois permet à une entreprise de réduire les risques causés par l’instabilité de la chaîne d’approvisionnement.

« Ça fait partie de l’ensemble des solutions qui sont en train de s’installer, cette espèce de redondance dans la chaîne d’approvisionnement de proximité, qui va aider à sécuriser nos entreprises. Dans le fond, ce que les entreprises ont réalisé dans les deux dernières années, c’est que la chaîne d’approvisionnement est vulnérable et qu’il faut diminuer les risques. Donc, l’achat de proximité est une des solutions. »

Capacité, productivité et compétitivité

Les plus récentes données indiquent que le Québec effectue présentement un rattrapage sur le reste du Canada du côté de la productivité. Selon Investissement Québec, entre 2018 et 2021, la productivité du travail pour l’ensemble des entreprises du Québec, tous secteurs confondus, s’est accrue de 5,6 %, contre 2,5 % au Canada et 1,5 % en Ontario. De plus, une étude commandée par Investissement Québec à l’Institut de recherche en économie contemporaine, réalisée à l’été 2022, révèle aussi une tendance très prometteuse quant à la capacité du secteur manufacturier québécois de se mesurer aux leaders mondiaux relativement à la numérisation et la robotisation de ses opérations et à l’utilisation de technologies de pointe. Mais malgré ces avancées importantes, la capacité et la productivité des entreprises québécoises restent la clé de voute de la relocalisation de la chaîne d’approvisionnement.

« Le défi dans plusieurs secteurs, c’est qu’on a beaucoup de PME au Québec, qui sont un des cœurs de notre économie, mais aussi des PME qui parfois manquent de capacités, de productivité, n’ont pas beaucoup investi en automatisation, manque de main-d’œuvre, et parfois manque de compétitivité », nous dit Stéphane Drouin.

Investissement Québec table donc sur les besoins en approvisionnement local pour soutenir encore plus les entreprises québécoises dans leur cheminement vers une plus grande productivité et une meilleure compétitivité. Stéphane Drouin souligne d’ailleurs que pour plusieurs entreprises, l’assurance de pouvoir vendre ses produits est souvent le coup de pouce nécessaire pour entreprendre des projets d’automatisation ou de robotisation. Là encore, Investissement Québec offre tout l’accompagnement nécessaire pour y arriver.

Québec vs USA

Dans le contexte actuel de pénuries et de perturbations des chaînes d’approvisionnement, le Québec n’est pas le seul à mettre en place des solutions. Aux États-Unis, le rapatriement de la production d’éléments stratégiques va bon train. Devant la pénurie de semi-conducteurs qui a touché des secteurs névralgiques comme l’industrie de l’automobile, Washington a favorisé la construction d’une usine de semi-conducteurs en sol américain. Mais les séquelles de l’ère trumpiste, où America First est devenu America Only, peuvent avoir des impacts sur la disponibilité d’intrants pour les entreprises québécoises.

Et de l’autre côté, avec nos accords de libre-échange, avec notre économie verte, avec notre énergie qui est quand même abordable, avec le savoir-faire qu’on a aussi au Québec dans plusieurs secteurs, je pense qu’on a de belles pistes d’opportunité. On le voit aussi du côté de nos exportations actuellement qui sont encore en croissance, vers les États-Unis. On est capable de jouer un rôle dans cette chaîne d’approvisionnement nord-américaine, de belle façon. Car en plus du Buy America, il y a maintenant le Keep in America, un principe visant à fournir d’abord les entreprises américaines lorsqu’il s’agit d’intrants stratégiques. La nord-américanisation de la chaîne d’approvisionnement pose-t-elle un risque pour le Québec? Pas vraiment, nous dit Stéphane Drouin.

« Oui, il y a des enjeux, mais aussi de belles opportunités. Avec nos accords de libre-échange, avec notre économie verte, avec notre énergie qui est quand même abordable, avec le savoir-faire qu’on a aussi au Québec dans plusieurs secteurs, je pense qu’on a de belles pistes d’opportunité. On le voit aussi du côté de nos exportations vers les États-Unis actuellement, qui sont encore en croissance. On est capable de jouer un rôle dans cette chaîne d’approvisionnement nord-américaine, de belle façon. »

Acheter ici, mais plus cher?

Le principal incitatif pour la délocalisation de la chaîne d’approvisionnement vers l’Asie ou l’Amérique latine est sans aucun doute le coût des produits, en raison notamment du faible coût de la main-d’œuvre. Alors, comment espérer que les entreprises québécoises puissent concurrencer les importations?

« Dans les deux dernières années, les entreprises ont fait preuve de résilience face aux problématiques d’approvisionnement », nous dit Stéphane Drouin. « Elles ont découvert la valeur d’autres éléments que le prix. La valeur de la proximité, le coût de ne pas avoir des intrants à l’usine. »

Il cite le cas d’un manufacturier québécois qui allait manquer de vis, en raison des perturbations dans les ports. Son usine normalement en opération 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, allait devoir arrêter la production en raison de ce manque de vis. L’équipe d’Investissement Québec l’a aidé à trouver un fournisseur québécois, qui lui a permis d’éviter les pertes énormes qui auraient été engendrées par l’arrêt de la production.

Investissement Québec a d’ailleurs récemment lancé le Calculateur du coût d’importation, qui permet aux entreprises d’avoir une idée plus juste de la différence de coût entre un achat au Québec et un achat auprès d’un fournisseur à l’étranger.

« Beaucoup d’entreprises qui font un mauvais calcul de leurs coûts d’achats à l’étranger, lorsqu’elles comparent avec le Québec. Elles négligent dans leur calcul plusieurs paramètres, comme les coûts des produits non conformes, les coûts pour la vérification de qualité sur place dans les pays étrangers, tous les coûts de financement. Le calculateur analyse une vingtaine de paramètres, et ça permet à l’entreprise d’avoir un calcul très juste du coût d’importation versus le coût d’achat local. »

Stéphane Drouin cite l’exemple d’une entreprise qui croyait que l’approvisionnement au Québec lui coûterait 22% plus cher que l’approvisionnement à l’étranger, alors qu’après avoir utilisé le calculateur, elle a constaté que la différence de prix n’était que de 4%.

« À 4% plus cher, il s’est dit ça vaut la peine que j’achète localement. »

Le Calculateur de coût d’importation est disponible sur le site web d’Investissement Québec, dans la section « Approvisionnement québécois » (https://www.investquebec-approvisionnementquebecois.com).

Investissement Québec s’apprête aussi à lancer un Calculateur des gaz à effet de serre, qui permettra aux entreprises de comparer les émissions de gaz à effet de serre d’un achat à l’étranger versus un achat local. Autre projet qui verra le jour au printemps, l’accompagnement des entreprises pour la valorisation des rebuts.

« Il y a présentement de belles opportunités, dans l’économie circulaire, de renforcer nos chaînes d’approvisionnement québécoises à partir d’extrants non valorisés. »

Bref, l’équipe de Stéphane Drouin offre aux entreprises québécoises une panoplie de services, programmes et outils pour affronter les défis de la chaîne d’approvisionnement et même en tirer profit.

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