«Lorsque j’aborde le sujet, je suis obligé de donner des chiffres parce que cela a l’air incroyable. Dans un espace économique de 7½ millions d’habitants qui a le troisième avionneur au monde et est premier fabricant de matériel ferroviaire, ça étonne. C’est véritablement un succès», indique celui qui est maintenant professeur en sciences économiques et en gestion internationale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et professeur associé à l’École Polytechnique de Montréal.
Au Québec, cette industrie procure de l’emploi à quelque 30 000 travailleurs répartis dans plus de 1 150 entreprises. Selon les dernières données de Statistique Canada, les dépenses en immobilisations, privées et publiques, en 2008 ont atteint les 62M$. Les prévisions pour cette année demeurent sensiblement les mêmes.
Selon Bernard Landry, le Québec doit tout mettre en œuvre pour continuer son développement. À l’heure actuelle, la province est dans un tournant majeur. «Nous sommes en assez bonne position. Toutefois, en raison de ce qui approche dans les grandes structures économiques québécoises, de gros efforts sont à déployer. Des investissements majeurs sont à prévoir en recherche scientifique, de même que dans les équipements et la main-d’œuvre. On se dirige tout droit vers un manque de personnel général, ce qui va être dramatique».
À son avis, l’éducation est primordiale pour demeurer concurrentiel et améliorer la productivité. «Il va falloir se concentrer sur la qualification pour que chaque travailleur puisse produire deux fois plus qu’aujourd’hui sans pour autant diminuer sa qualité de vie, mais au contraire l’améliorer. Par conséquent, le niveau de connaissance et de compétence de la main-d’œuvre doit augmenter».
L’ex-premier ministre dit que si rien n’est fait, ça pourrait finir mal. Mais il demeure optimiste. Celui-ci croit que nous avons une chance exceptionnelle parce que le Québec est une synthèse des cultures américaine et européenne, surtout française. «Les deux sont des champions de la productivité. Les Américains ont une productivité très élevée et les Français sont des champions mondiaux en termes d’heures travaillées. C’est une belle occasion de s’en inspirer. Nous sommes près des deux sources».
Pour demeurer dans la course, Bernard Landry estime qu’il ne faut pas se gêner au chapitre des stimulants fiscaux comme des crédits d’impôts en recherche et développement. «Il faut y aller à fond. Il n’y a pas d’autres meilleures régions au monde que le Québec. Le secteur doit être stimulé».
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que le Québec doit gagner son pari. M. Landry croit fermement qu’il y a un cercle vicieux et qu’il faut s’en sortir.
«Les dépenses de santé vont augmenter et si rien ne change les revenus de l’impôt vont diminuer en raison d’une baisse des contribuables. Il est donc primordial que ces derniers reçoivent des salaires plus élevés. Si des emplois à 40$ l’heure sont créés, l’équation se replace et le gouvernement aura les moyens d’intervenir. Il y a un caractère d’urgence et heureusement que beaucoup de gens de divers horizons, pas seulement des économistes, en parlent. J’espère que le réveil aura lieu».
En l’espace de quelques mois, le dollar canadien s’est apprécié d’au moins 20% par rapport à la devise américaine. Certes, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les touristes en visite chez nos voisins du Sud, mais c’est loin d’être le cas pour les entreprises manufacturières qui exportent leurs produits aux États-Unis dans une proportion de 80%.
Pour Bernard Landry, il y a une autre façon de voir les choses. Bien qu’il soit d’accord pour dire que cela fait mal aux entreprises, ce dernier indique que la hausse favorise une baisse des coûts de production puisque les fabricants dépendent du pétrole pour la plupart d’entre eux. Et puis, ajoute-t-il, c’est le temps ou jamais d’investir dans des équipements de haute technologie.
«Faire la recherche et le développement ici, certes, mais si nous ne trouvons pas ce qu’il nous faut, nous allons ailleurs. Il faut dominer la technologie. Que ce soit aux États-Unis ou en Allemagne, le dollar canadien nous aide à le faire. C’est vrai qu’un dollar bas nous a stimulés pendant un certain temps, mais ça nous a rendus paresseux. Nous pensions être bons parce que nous vendions. Mais c’était en raison du dollar».
Contrairement aux idées perçues dans le milieu laissant croire que des pays tels la Chine et l’Inde nuisent au développement économique des entreprises nord-américaines par leur politique de bas prix, Bernard Landry croit plutôt que l’économie mondiale serait encore bien plus en désarroi qu’elle ne l’est aujourd’hui si ces joueurs n’étaient pas présents.
«Ces pays achètent encore des matières premières et diverses composantes. Elles paient des redevances sur les technologies et plus le niveau de vie va augmenter, plus les gens deviendront des consommateurs sophistiqués. Ils achèteront des produits que nous avons et qu’ils n’ont pas».
En février dernier, l’Inde a conclu une entente avec Bombardier pour la construction de sa première voiture MOVIA en vue de l’expansion de la phase II du métro de Delhi. En 2008, c’était au tour de la Malaisie qui visait à prolonger son système de navettes automatisé à son aéroport international de Kuala Lumpur.
Après un voyage d’enseignement en Europe ce printemps, Bernard Landry doit retourner en Angleterre pour y prononcer quelques conférences.