18
Apr

Carrefour Forêts 2019 – L’innovation comme planche de salut pour l’industrie du bois

Partager :
Auteur:  

Le Carrefour était le premier événement du genre tenu depuis 2011 par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). Lors de la session sur l’innovation et le développement de produits forestiers, le sous-ministre associé à Forêts Québec, Ronald Brizard, s’est réjoui du plus récent budget déposé par le gouvernement du Québec.

Tous les fonds alloués au Programme Innovation Bois avaient déjà été engagés depuis le mois de novembre 2018. Le budget 2019-2020 a ajouté une enveloppe de 50 millions de dollars (M$) d’ici le 31 mars 2024. Cette bonification permettra aux industriels forestiers de créer des maillages avec des partenaires non traditionnels afin de créer et de commercialiser de nouveaux produits.

La fibre de l’entrepreneur

Plusieurs dirigeants d’entreprise ont témoigné des efforts consacrés par leur compagnie en matière d’innovation. Frédéric Verreault, directeur du développement corporatif chez Chantiers Chibougamau, a vanté la fibre entrepreneuriale du fondateur, Lucien Fillion. Âgé de 91 ans, même s’il passe l’hiver en Floride, M. Fillion envoie encore de longs messages par télécopieur à ses collègues de la région du Nord-du-Québec où il détaille ses idées et ses plans.

La vision de l’innovation de la famille Fillion se résume assez simplement, ajoute M. Verreault: « Faites ça plus vite! » Chaque arbre récolté doit arriver plus vite à l’usine, où on doit le transformer et l’expédier le plus rapidement possible. « Cette obsession de la rapidité et de la précision, c’est ce qui le caractérise encore », dit-il.

L’entreprise de Chibougamau a connu du succès, passant de 5 à 1000 employés, malgré un certain nombre d’obstacles. « Nous aurons toujours comme source d’approvisionnement du bois au diamètre plus petit que nos concurrents. Nous aurons toujours à parcourir 250 km de plus que les autres pour livrer nos produits, et notre main-d’œuvre nous coûtera toujours plus cher. Cette fatalité est devenue notre force » , résume M. Verreault.

Chez Chantiers Chibougamau, on s’est lancé dans le bois jointé sans rien connaître aux procédés de fabrication. Après, on a usiné des semelles de poutrelles en « I », puis des poutrelles. La division des pièces de bois massif, Nordic Structure, a été ainsi nommée parce que les clients anglophones étaient incapables de prononcer le nom de l’usine.

À l’invitation de FPInnovations, la famille Fillion a participé à une mission commerciale en Europe en 2009. Le marché dans le 2X4 venait de s’effondrer de 75 %, rappelle Frédéric Verreault. Les Fillion ont vidé leur trésorerie pour se lancer dans le marché des panneaux massifs de bois lamellé-collé (CLT). « On n’a pas fait d’argent avec cela avant 2016. C’est notre performance dans les autres produits qui nous a permis de passer au travers », dit-il.

Il faut arrêter d’être gênés de vouloir faire des profits, souligne M. Verreault. « Nous souffrons tous du syndrome du vieux “pick-up”. On le garde pour aller rencontrer les entrepreneurs en forêt, pour qu’ils pensent qu’on est pauvres et qu’ils baissent leurs prix. On fait ça à toutes les étapes. Ça n’a pas de bon sens », dit-il.

« Nos actionnaires, je peux vous les nommer. Ils pourraient placer leur argent dans des investissements garantis, mais ce sont de vrais entrepreneurs », conclut-il.

Les ressources humaines

Sébastien Crête, directeur général du Groupe Crête, représente la troisième génération à la tête de l’entreprise familiale, fondée en Mauricie par son grand-père Gérard il y a 70 ans. Son père Martin a d’ailleurs assisté à sa présentation au Carrefour.

Le Groupe Crête investira encore 10 M$ dans ses deux usines en 2019, à Saint-Faustin-du-lac-Carré dans les Laurentides et à Chertsey, dans Lanaudière. Le Groupe Crête est devenu une division de la compagnie Kruger en 2006. L’entreprise utilise son adhésion à FPInnovations pour suivre les meilleures pratiques dans l’industrie du sciage, afin de tirer le maximum de valeur de chaque arbre qu’elle transforme, explique M. Crête.

Selon lui, la principale innovation des dernières années demeure la création d’un département de gestion des ressources humaines (GRH) en 2015. Si l’industrie veut recruter les meilleurs talents, elle n’a pas le choix de se mettre à jour dans sa GRH, insiste M. Crête. « Merci à nos employés, ce sont eux qui font la différence », dit-il. Il ajoute que la contribution du personnel en matière d’amélioration des procédés est hautement favorisée par la direction.

Innovation dans le design

James Hogg, PDF d’Uniboard Canada, note que le marché des panneaux est influencé par l’innovation dans le design. Chaque année, les consommateurs de panneaux de mélamine décoratifs (TFL) se voient offrir de nouvelles couleurs et de nouveaux finis. « Les ingénieurs mettent toujours les freins, car ils disent que le procédé n’est pas prêt. Ils finissent presque toujours par trouver une solution », raconte-t-il.

Parfois, l’innovation devance les besoins du marché, souligne-t-il en donnant l’exemple d’un type de panneau « trop vert et trop cher » au goût des clients, qui n’a pas obtenu le succès attendu.

À Mont-Laurier, l’entreprise n’avait pas l’espace pour agrandir ses installations et augmenter sa production. On a plutôt décidé d’acheter une unité de préchauffage aux micro-ondes auprès du fabricant allemand Dieffenbacher. La cuisson du matelas de fibre obtenue par le procédé est uniforme et a augmenté la capacité de production de panneaux MDF. L’installation de l’équipement, qui a coûté environ 9 M$ en 2015, n’a pas été facile, car la demande énergétique supplémentaire requise par le procédé a exigé de nombreux permis, note M. Hogg.

Chez Résolu

Alain Bourdages, vice-président à l’innovation chez Produits forestiers Résolu, décrit le processus très discipliné auquel doit s’astreindre l’entreprise publique en matière d’innovation. À cet égard, il reconnait que les entreprises familiales peuvent faire preuve d’une plus grande agilité.

M. Bourdages a présenté trois projets de R-D, le premier étant celui des Serres Toundra avec la collaboration de CO2 Solutions à son usine de pâte kraft de Saint-Félicien. La technologie mise au point par CO2 Solutions permet de récupérer une partie des gaz de combustion du four à chaux de la compagnie papetière. Ces émissions sont redirigées par une conduite vers les installations voisines de Serres Toundra, où poussent divers légumes.

À Thunder Bay, Résolu a annoncé en janvier 2018 la construction d’une usine-pilote. Grâce au procédé TMP-Bio, développé chez FPInnovations, on y produira une tonne métrique par jour de lignine, qui pourra servir comme source alternative aux molécules chimiques pour divers produits, dont les biocarburants.

Enfin, Résolu a lancé Performance Biofilaments en 2014 en Colombie-Britannique, avec son concurrent Mercer. L’entreprise utilise la pâte de bois pour produire des filaments de cellulose, qui peuvent servir dans une large diversité de produits manufacturés.

Le charbon de bois

Simon Langlois, président de Xylo-Carbone, entreprise de Saint-Tite en Mauricie, remercie le MFFP pour son appui au projet. Il s’est associé avec un entrepreneur forestier pour installer un centre de traitement du bois de trituration. Les extrémités des billes de faible valeur sont ainsi récupérées et fendues en pièces de taille uniforme. Celles-ci sont ensuite séchées par un procédé de pyrolise, on l’on chauffe à 800°C sans apport d’oxygène.

M. Langlois est très fier d’avoir pu convaincre le fournisseur des camions F-150 d’utiliser les pigments de charbon de bois pour noircir le polymère employé pour les garnitures intérieures du camion, au lieu de recourir à un sous-produit du goudron. « Le carbone que nous produisons est issu d’une ressource renouvelable et il peut remplacer des produits nettement plus toxiques », dit-il.

Par Alain Castonguay

Lisez l’article complet

Voir toutes les nouvelles industrielles et manufacturières

Lire notre plus récent magazine
Nos annonceurs