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Sep

C-38 : un recul majeur pour la protection de l’environnement

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Avec ses plus de 400 pages, dont le tiers des articles modifiera les lois censées protéger l’environnement, le C-38 replace définitivement l’économie en compétition avec l’écologie, sans négliger de mettre au rancart cette dernière.

Afin de justifier ce tournant monumental, les conservateurs se réclament d’adopter cette loi étant donné l’urgence économique et le potentiel de création d’emplois qu’il fera naître. Pour un parti conservateur, il n’y a pas rien de surprenant dans le fait que leurs membres travaillent à ce que la responsabilité environnementale soit reléguée aux bonnes intentions individuelles plutôt qu’à l’État.

Ce qui est autrement ahurissant est que la Canada est censé être protégé par un certain système permettant d’éviter qu’une conception politique trop étroite ou trop extrême vienne commettre un déséquilibre irréparable. Ce « système », c’est l’idée de démocratie. Pourtant, les conservateurs se réclament de servir précisément cet idéal.

Mais de quelle démocratie font-ils appel au juste ? Car en regardant de plus près quatre aspects essentiels à la démocratie, il semble bien que l’adoption du projet de loi omnibus soit loin de cadrer dans cet idéal.

La délibération

Parce que nous avons tous des biais cognitifs et que tout être humain est susceptible d’être dans l’erreur, une décision politique, d’autant plus lorsque son impact sera significatif, ne peut être prise par un seul individu ou un seul groupe d’individus. Qui plus est, parce que les élus ont un devoir de représentation, le débat est un processus incontournable en vue de saisir les volontés profondes des électeurs.

Or, le C-38, en ce qu’il permettra de donner le « dernier mot » aux ministres sur des dossiers aussi controversés que les sables bitumineux et les gaz de schistes, démontre avec éloquence le peu d’importance que le gouvernement Harper donne à l’expertise et au débat. De surcroît, on peut voir dans le fait que ce dessein conservateur soit omnibus consiste, comme les membres de l’opposition le décrient, en une stratégie en vue de minimiser le débat, ce qu’aurait pu permettre le C-38 s’il avait été déposé en plusieurs projets de loi.

La priorité économique

Essentiellement, l’urgence économique fait appel à des objectifs à courts termes, tandis que la volonté politique de protection de l’environnement est un projet à long terme. De la même manière, les conséquences et bénéfices d’une dégradation écologique prennent plus de temps à apparaître que les gains économiques d’une telle politique économique.

Ainsi, c’est exactement ce qu’autoriseront les modifications apportées par le C-38 : ne visant que la soi-disant urgence économique présente, les bénéfices du moment se feront au détriment du développement à long terme, condition par excellence d’une planification écologique.

C’est donc au nom de la liberté de quelques-uns que les modifications des lois restreindront celle des autres qui auront à subir les conséquences de la dégradation environnementale.

La notion démocratique fondamentale d’égalité est ainsi mise à mal en ce qu’il y a asymétrie entre l’égalité des gains économiques et les conséquences néfastes de la dégradation environnementale.

La contestation

L’opposition d’idée, voire même le conflit d’idée, est un jeu essentiel à une saine démocratie ; c’est d’ailleurs ce qui est véhiculé par le système parlementaire canadien dont nous nous sommes doté. Cette dynamique de contestation ainsi intégrée devient alors un mécanisme transformant le conflit inhérent à toute société en véritable progrès.

Ce qui s’annonce avec l’adoption de la loi omnibus s’en éloigne de façon inquiétante : les organisations environnementales ne seront désormais plus consultées selon leur degré d’expertise sur un projet donné, mais seront plutôt choisies à la discrétion du ministre. Pire encore, le C-38 permettra des formes de censures, en donnant le pouvoir à l’Agence du revenu du Canada de refuser des crédits d’impôts aux organismes luttant pour l’environnement si ceux-ci sont jugés trop « engagés politiquement ».

La volonté collective.

Finalement, il arrive souvent que l’on méprise la volonté collective au profit de la logique individualiste. Les compressions budgétaires chez Pêches et Océans, au profit de la création d’emplois, en est un exemple éloquent : l’on individualise les gains pour mieux collectiviser les pertes. Seulement, l’environnement est un combat proprement collectif et dont les gestes individuels, aussi bien intentionnés qu’ils soient, ne parviendront malheureusement pas à faire le contre-poids face à ce qui peut être détruit de manière aussi massive lorsqu’il est institutionnellement légitime de le faire.

Emmanuelle Gauthier-Lamer Étudiante, Université de Montréal

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