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Budget 2021-2022 – assez pour les entreprises et la main-d’œuvre?

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Le nouveau budget provincial du gouvernement en poste fait beaucoup couler d’encre depuis la dernière semaine. Plusieurs associations et groupes représentant les entreprises et les travailleurs québécois de nombreux secteurs se questionnent sur les enjeux actuels de l’emploi à long terme, le manque de main-d’œuvre criant de plusieurs secteurs et le développement de nos entreprises. Est-ce que ce nouveau budget sera suffisant?

Équilibre budgétaire, 2 ans de plus

Avant tout, notons que le report de l’équilibre budgétaire à 2027-2028 est une décision unanimement applaudie et permettra de souffler un peu, tel que l’a communiqué l’Ordre des CPA du Québec : « Il fallait prendre les mesures nécessaires pour permettre au Québec de se relever de la crise. Le gouvernement fait preuve d’une judicieuse prudence en reportant le retour à l’équilibre budgétaire en 2027-2028 et en maintenant ses versements au Fonds des générations, qui contribue à la réduction de la dette. La stabilisation du poids de la dette laisse une marge de manœuvre essentielle dans le contexte actuel », affirme Mme Geneviève Mottard, CPA, CA, présidente et chef de la direction de l’Ordre.

Bien sûr, ce report de 2 ans ne doit pas être pris comme une pause, mais bien une période d’investissement du gouvernement dans l’accroissement de la productivité des entreprises, pour stimuler l’innovation et pour répondre aux défis que posent la pénurie de main-d’œuvre et la nouvelle technologie. « Nous saluons les mesures ciblées d’accélération du virage technologique des entreprises et l’élargissement de l’accès à l’internet haute vitesse, de même que les réductions des charges fiscales pour les PME et l’augmentation des mesures d’aide à hauteur de 193 M$ sur deux ans pour les secteurs les plus touchés par la pandémie », enchaîne Mme Mottard.

Somme toute, cette période de pandémie aura pu nous permettre de voir plusieurs points à travailler de notre économie et bien que le budget 2021-2022 comporte des éléments prévus pour la relance économique, n’est-il pas une occasion d’orienter ces prochains investissements gouvernementaux vers une autosuffisance avec la participation de toutes nos entreprises régionales?

« La pandémie a mis au jour de nombreuses faiblesses dans notre tissu économique et industriel. Nous n’avons qu’à penser aux problèmes d’approvisionnement en matériel médical et en médicaments. Nous nous serions attendus à un plan plus ambitieux et avec une vision à plus long terme de la part du gouvernement, comme en mettant en place une politique industrielle ou en favorisant non seulement une reprise, mais un véritable développement et une diversification des économies régionales », explique M. Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD).

Miser sur les entreprises

Sans mettre trop de pression, les mesures phares de de projet de relance économique et du budget 2021-2022 mise énormément sur les PME et les entreprises. De par la réduction du taux d’impôt des PME et l’incitations à l’innovation, le budget confirme la bonification de l’aide aux entreprises touchées par la COVID-19, l’appui aux entreprises confrontées au défi de la pénurie de main-d’œuvre et un espoir de donner la priorité à l’achat local et à l’expertise québécoise.

« Avec ce budget, le gouvernement fait confiance aux PME. Non seulement il réduit les barrières pour leur permettre de participer pleinement à la relance économique, mais en baissant le taux d’impôt des PME au même niveau que celui de l’Ontario, le gouvernement du Québec leur donne une chance de contribuer au développement des régions. On peut aussi noter l’aide supplémentaire qu’il apporte pour soutenir les PME résilientes qui ne sont pas tombées au combat. Ce sont des mesures significatives qui aideront les entreprises à rebondir. C’est un bon budget pour les PME », souligne M. François Vincent, vice-président Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Les PME du Québec ont été très affectées par les restrictions gouvernementales instaurées pour lutter contre la COVID-19. Dans ce contexte, un montant supplémentaire pour maintenir durant deux ans encore les programmes d’aide disponibles constitue une nouvelle de très bon augure pour les propriétaires de PME. D’ailleurs, un bon nombre de PME naviguent dans des eaux troubles depuis un an et plusieurs sont toujours fermées depuis maintenant plus de 180 jours. L’amélioration de l’appui de Québec était nécessaire, mais d’autres améliorations peuvent encore y être apportées, comme l’étalement du remboursement des prêts contractés sur plusieurs années.

Main-d’œuvre svp

Déjà problématique bien avant l’arrivée de la COVID 19, la pénurie de main-d’œuvre au Québec est devenue un enjeu majeur. Bien que le budget 2021-2022 prévoit beaucoup d’actions au niveau de l’éducation et de la formation, la CSD apporte un excellent point au niveau le la longévité des actions : « Les mesures de requalification de la main-d’œuvre prévues dans le budget sont surtout axées vers l’emploi à court terme plutôt que le développement de la main-d’œuvre à plus long terme. En misant sur des formations de courtes durées, on s’inquiète de la qualité des emplois générés. Les personnes qui doivent se trouver un nouvel emploi n’ont pas besoin de rester précaires, ce qui risque fort de leur arriver en ne cherchant qu’à combler rapidement la place qui est disponible aujourd’hui », résume M. Vachon. Notons qu’actuellement, les secteurs où le taux de chômage est le plus élevé sont le tourisme, la culture et l’hébergement, bien sûr, mais également le secteur de la construction, le secteur manufacturier et le commerce.

De plus, en période de relance économique, cette pénurie de main-d’œuvre constitue un important frein à la croissance des entreprises. Selon un récent sondage de la FCEI : « 25 % des propriétaires d’entreprise soutiennent avoir perdu des contrats et manqué des ventes parce qu’ils ne trouvaient pas de personnel. Nous soulignons les mesures annoncées dans le cadre du budget et nous les analyserons en détail, mais une chose est sûre : le gouvernement devra continuer d’être à l’écoute du milieu pour mettre en place d’autres mesures qui seront nécessaires », précise M. Vincent.

Un exemple de ce genre de mesures nécessaires, inclus dans le nouveau budget, est que le gouvernement a répondu favorablement aux appels lancés par le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) qui demandait depuis plusieurs années un réinvestissement visant à faciliter l’intégration des professionnels formés à l’étranger immigrant au Québec. Notons qu’en 2019-2020, les ordres professionnels ont délivré 3 101 permis de pratique à des professionnels immigrés. 34 % des candidats avaient alors décroché du processus. Ce pourcentage devrait diminuer grâce aux annonces du budget 2021-2022. « Le gouvernement a enfin choisi d’agir afin de lever les principaux freins en matière de reconnaissance des compétences des personnes immigrantes. … C’est par des mesures comme celles annoncées aujourd’hui que nous pourrons faciliter une intégration professionnelle réussie pour un plus grand nombre de candidats. Une meilleure accessibilité à la formation d’appoint et aux stages accélérera le processus de mise à niveau menant ainsi à une intégration plus rapide en emploi » a expliqué Mme Gyslaine Desrosiers, présidente du CIQ.

Tel que l’indique le Conseil du patronat du Québec (CPQ), le manque de main-d’œuvre met également à risque la robustesse de cette reprise économique tant attendue. Avec la fermeture prolongée des frontières, de la rareté de plusieurs matériaux et des délais de livraison de produits, les entreprises risquent d’être vite à court, en plus du manque de travailleurs, de pouvoir développer, voire maintenir, leurs activités. Bien que le CPQ salue aussi les investissements à l’égard de la réussite scolaire ou le soutien pour la requalification vers les TI, il semble qu’il n’y a pas dans le budget de mesures suffisantes pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre à court terme : « Sur le plan du rehaussement des compétences de la main-d’œuvre, le budget nous laisse sur notre faim, car trop peu est prévu pour résoudre la pénurie de travailleurs à court terme. Rappelons qu’il y a près de 150 000 postes vacants au Québec en ce moment, plus qu’avant la pandémie », précise M. Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.

Enfin, un autre point négligé dans le nouveau budget concerne la formation en entreprise. En cette nouvelle ère industrielle où la technologie, la robotique et l’intelligence artificielle se doivent d’être intégrées dans notre industrie, qu’en est-il de la formation de la main-d’œuvre actuelle dans nos entreprises?

Malheureusement, comme l’estime la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), l’aide budgétaire aux entreprises ne s’attaque pas assez vigoureusement aux enjeux de main-d’œuvre. Le gouvernement investit massivement pour retourner les chômeurs sur les bancs d’école. Cependant, rien n’est prévu pour la formation des travailleurs déjà en emploi. Le moment n’aurait-il pas été opportun d’accroître les mesures d’aide à la formation en emploi alors que les entreprises et leurs employés doivent plus que jamais s’adapter à de nouvelles réalités technologiques qui transforment les opérations?

« La rareté de main-d’œuvre et le manque de productivité demeureront des enjeux importants pour les prochaines années, malgré le contexte des 12 derniers mois. C’est pourquoi il est important que le gouvernement consacre les ressources nécessaires afin de rehausser fortement les compétences des travailleurs québécois de toutes les industries. Malheureusement, nous aurions espéré davantage du budget d’aujourd’hui pour cet enjeu si déterminant pour l’économie et les régions québécoises », a rappelé M. Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ.

Rappelons que le nombre d’emplois a baissé de 2,3 % (-97 900) au Québec en janvier 2021 par rapport à décembre 2020. Le taux de chômage a augmenté de 2 % en janvier pour s’établir à 8,8 %. C’est ce qui ressortait des résultats de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, diffusé le 5 février dernier.

Consultez le résumé du Plan budgétaire 2021-2022

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