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May

Biomasse : De l’acier vert & de l’électricité plus propre

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Un procédé conçu au Québec permet de réduire les émissions de CO2 partout dans le monde

Par Eric Bérard

On tend à l’oublier avec notre hydroélectricité propre et renouvelable, mais il y a toujours à travers le monde environ 2 400 centrales qui utilisent du charbon pour générer de l’électricité.

Et non, elles ne se trouvent pas seulement dans de petits pays en développement. La Chine vient en tête de liste, mais d’autres pays d’Asie comptent toujours sur ce combustible fossile pour s’éclairer et alimenter les appareils électroniques, le Japon notamment. Idem pour de nombreux pays européens.

Et si on pouvait remplacer ce charbon hautement polluant par un substitut carboneutre, provenant de la biomasse ? C’est la question que s’est posée – et a résolue il y a plusieurs années – le chercheur québécois Guy Prud’homme, aujourd’hui chef des technologies chez Airex Énergie.

Bien qu’ayant son siège social à Laval, le cœur de l’entreprise se trouve à Bécancour, où se trouve son usine.

En entrevue au Magazine MCI, le président de l’entreprise, Michel Gagnon, explique que dans cette usine, on fabrique des substituts au charbon pour les centrales électriques thermiques ainsi qu’à la poussière de coke pour le secteur métallurgique, tout ça à partir de résidus forestiers.

« Quand vous coupez un arbre pour faire du bois d’œuvre ou un autre matériau, typiquement il y a à peu près 50 % de l’arbre qui finira en résidus, que ce soit des copeaux, de la sciure ou de l’écorce. De plus certaines essences de bois dans les forêts mixtes ne peuvent être utilisées pour la production de bois d’œuvre, ce qu’on appelle la catégorie “pâte” », explique-t-il, une catégorie autrefois largement utilisée pour le papier journal et que son entreprise contribue désormais à revaloriser.

Électricité 13 fois plus propre

Pour produire du biocharbon de source renouvelable destiné aux centrales électriques, cette biomasse est torréfiée par pyrolyse, sans aucune combustion et en absence d’oxygène.

Le résultat final est spectaculaire. « Une centrale thermique au charbon, ça émet tout près de 1000 tonnes de CO2 par gigajoule, ce qui est très élevé. Si vous le faites avec du biocharbon, c’est environ 70 au lieu de 1000. Ça a un facteur de 13 fois moins », explique M. Gagnon.

L’usine de Bécancour est de taille relativement modeste, environ 15 000 pieds carrés. Parce que le biocharbon et le biocarbone qu’on y produit sont essentiellement des « échantillons » à homologuer auprès de clients potentiels.

« On s’en sert pour envoyer nos produits partout dans le monde pour que les clients puissent le tester ainsi que notre procédé », indique le président d’Airex.

L’usine québécoise a donc une production modeste d’environ 15 000 tonnes par année, mais elle fait néanmoins une différence notable. « C’est l’équivalent d’enlever environ 10 000 voitures par année, environ 40 000 tonnes de CO2 juste pour cette capacité-là », souligne M. Gagnon.

L’idée est de vendre les technologies CarbonFX et CarbonFX-HT d’Airex Énergie sous licence pour que des clients internationaux produisent du biocharbon à partir de leur biomasse locale pour alimenter une centrale électrique voisine plutôt que d’exporter des centaines de milliers de tonnes de biocharbon par bateau à travers le monde depuis Bécancour, ce qui serait très polluant et donc en contradiction avec l’idée même de développement durable.

« C’est la fierté qu’on a, on a une technologie qui peut être exportée, qui peut être utilisée partout dans le monde », se réjouit M. Gagnon

La technologie québécoise est brevetée et a l’appui d’investisseurs tout ce qu’il y a de plus crédibles, notamment le Fonds de solidarité de la FTQ, Investissement Québec, Desjardins-Innovatech, Exportation et développement Canada (EDC) ainsi que Cycle Capital.

L’entreprise exporte déjà en Asie et en Europe.

Métaux verts

L’autre produit vedette d’Airex Énergie est le biocarbone. Comme le nom le laisse deviner, dans ce cas la biomasse n’est pas torréfiée dans les réacteurs, mais plutôt carbonisée.

« On carbonise la matière par pyrolyse, en absence d’oxygène, donc il n’y a aucune combustion », explique notre invité.

Dans le secteur métallurgique, le biocarbone remplace le coke, un dérivé de houille de charbon. Contrairement au produit fossile, le biocarbone provient de source renouvelable et est tout aussi performant dans les hauts-fourneaux de fabrication de métaux.

« On a au Québec de grands producteurs de boulettes de fer. Vous pouvez utiliser le biocarbone pour remplacer la poussière de coke ou l’anthracite dans la production de boulettes de fer », dit M. Gagnon pour illustrer le potentiel de croissance du biocarbone vert, ici et à l’international.

Le président de l’entreprise québécoise est conscient qu’il y a de la concurrence sur le marché de l’énergie verte, notamment du côté des multinationales pétrolières qui se tournent de plus en plus vers les énergies propres, le sustainable aviation fuel (SAF, carburéacteur durable en français) à titre d’exemple.

« Il y a une mouvance vers l’usage de produits à faible empreinte carbone. Je pense que c’est un élément qui démontre bien la capacité de cette industrie-là à s’adapter et à amener de nouveaux produits. On le voit », dit-il.

Mais Airex Énergie a développé un produit de niche au potentiel immense, capable de faire sa place partout dans le monde et de retirer le CO2 de l’air que nous respirons, une tonne à la fois.

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