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Automatisation du centre de distribution de Familiprix : une histoire à succès, au bénéfice de tous

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Le centre de distribution de médicaments de Familiprix à Québec, hautement automatisé en 2016, démontre clairement que l’automatisation ne signifie pas pour autant perte d’emplois. Des employés moins sous pression, un travail plus intéressant et formateur, des commandes livrées avec plus d’exactitude, une meilleure collaboration avec les transporteurs, les technologies choisies par l’entreprise québécoise ont au sens propre et figuré, livré la marchandise.

Familiprix, une entreprise propriété de pharmaciens indépendants qui composent cette bannière, connaît une forte croissance. En quelques années, le regroupement est passé d’un peu moins de 300 à près de 400 pharmacies à la grandeur du Québec. Cette croissance aurait été difficile à gérer sans l’automatisation de son centre de distribution de médicaments de Québec.

Le projet a débuté vers 2012. La principale raison : la pénurie de main-d’œuvre.

« On voyait qu’il y avait une pénurie de main-d’œuvre qui se pointait, et que ça devenait de plus en plus difficile de recruter des gens et de les retenir », nous dit Albert Falardeau, président de Familiprix. « Nous œuvrons dans le commerce au détail, et les pharmacies passent des commandes jusqu’à 7 ou 8 heures le soir. Ça devenait de plus en plus difficile de trouver des employés pour les quarts de travail de soir et de nuit. »

À la réception des produits, le problème ne se posait pas, puisque cette partie des opérations de distribution peut très bien se faire de jour. Mais l’assemblage des commandes reçues était plus problématique. Le temps supplémentaire était devenu la norme pour les employés, ce qui imposait un stress énorme pour assurer la livraison à temps de produits particulièrement importants.

« Notre objectif premier était de pallier la pénurie de main-d’œuvre », souligne M. Falardeau. « Mais Billy Morneau, notre directeur principal, distribution et aménagement, commençait aussi à nous parler de qualité, d’intégrité et de fiabilité des commandes. Ce sont quand même des médicaments qu’on distribue, et les clients de nos pharmacies affiliées ne peuvent pas se permettre d’attendre. »

Mais à l’époque, en 2012, il y avait très peu d’exemples à suivre pour l’automatisation d’un centre de distribution. Billy Morneau a donc dû faire un véritable travail de défricheur pour trouver des solutions adaptées aux besoins réels de l’entreprise.

Marcher avant de courir

Cette phrase est un véritable leitmotiv chez Familiprix. Billy Morneau y est donc allé par étape, en introduisant d’abord de plus petits projets technologiques différents, comme le « pick-by-light », ou en français le prélèvement par guidage lumineux.

« On a commencé avec des technologies moins risquées, qui nous sortaient moins de notre zone de confort », explique M. Morneau. « J’ai d’abord appliqué le pick-by-light pour 2000 produits sur 20 000. L’année suivante, on a augmenté à environ 5000 produits. Les plateformes informatiques ont suivi. On a appris à connaitre les fournisseurs en automatisation, on a échangé des données technologiques, on a construit notre expérience dans les échéanciers de projets technologiques, mais tout ça dans des petits environnements contrôlés. »

Cette stratégie des petits pas s’est avérée positive.

« On voyait bien l’amélioration des indicateurs de performance et un retour sur l’investissement », explique Albert Falardeau. « Mais je répète, le but n’était pas le retour sur l’investissement. Le véritable objectif était de faire face à la pénurie de main-d’œuvre, d’assurer l’intégrité des commandes, de faire en sorte que nos pharmaciens soient très satisfaits des commandes livrées, que nos employés soient heureux et subissent moins de pression. »

Automatisé à 80 %

Une fois les premiers petits pas franchis avec succès et l’expérience acquise, Familiprix est passée en deuxième vitesse avec l’acquisition d’un système A-Frame de la société européenne SSI Schaefer. L’élément central de ce système, comme son nom l’indique, est un convoyeur automatisé en forme de A, qui permet de traiter rapidement des commandes complexes avec une très haute précision.

Le remplissage du A-Frame se fait manuellement, mais dans des créneaux horaires faciles à combler. Chaque commande se voit assigner une section de la courroie du convoyeur. Quand cette section passe devant un rail incliné de produit, la quantité commandée de ce produit est alors déposée sur le convoyeur. À la fin du convoyeur, les produits d’une commande donnée sont alors déposés dans le bac qui a été assigné à cette commande.

« 80 % de nos ventes sont automatisées », explique Billy Morneau. « L’autre 20 % est assemblé manuellement. Nos employés qui y travaillent sont dans un secteur, la commande vient à eux, ce qu’on appelle le « goods to person ». J’ai réduit mes déplacements d’environ 90 %. Les assembleurs de commandes scannent les produits, valident la quantité, mettent les produits dans des bacs qui se promènent tout seuls, je n’ai plus d’humains qui promènent les bacs. »

Le système valide aussi l’exactitude des commandes par le poids, ferme et scelle automatiquement les bacs et les dirige vers l’expédition, en fonction de leur destination.

Tout le monde y gagne

L’automatisation du centre de distribution de Familiprix ne s’est pas faite aux dépens des employés de l’entreprise, bien au contraire. Albert Falardeau précise d’emblée qu’en tant que gestionnaire, il ne paie pas moins de salaire qu’avant. Billy Morneau précise.

« Avant l’automatisation, il me manquait constamment 20% du personnel nécessaire pour accomplir le travail. Mon personnel était constamment en temps supplémentaire. Avec l’automatisation, personne n’a perdu son emploi. Et je n’ai pas réduit mes heures. C’est juste qu’au lieu de me manquer 20 % de mon personnel, il ne m’en manque que 10 %. »

Et les employés y trouvent aussi leur compte.

« Les gens qui n’ont pas de métier sont bien plus intéressés à travailler avec nos systèmes, parce que le travail est beaucoup plus intéressant que ça ne l’était quand on faisait les commandes manuellement. Ça nous a amenés à former nos employés, à les développer sur les systèmes informatiques, l’entretien de ces équipements, des postes qui n’existaient pas chez nous avant. »

La direction de Familiprix a d’ailleurs opté pour embaucher son propre électromécanicien, le former auprès du fournisseur, au lieu de dépendre de services externes.

Quant à la qualité des commandes, là aussi, le résultat est probant. Mais Billy Morneau précise que ce n’est pas la supériorité de la machine qui est en cause, mais bien la réduction du temps supplémentaire qui en imposait trop à l’humain.

« Si je compare notre A-Frame aux employés qui étaient en super-over-time de 2014 à 2016, à coup de 15 à 20 heures par semaine, c’est sûr que la qualité des commandes était moindre, et que notre système automatisé paraît bien. Mais si je retourne au début des années 2000, quand il n’y avait pas de pénurie de main-d’œuvre, que mes gens faisaient des heures normales et qu’on pouvait prendre le temps de bien travailler, le système est encore meilleur, mais pas aussi significativement. »

Autre bénéfice, imprévu celui-là, la meilleure coordination pour l’expédition. L’automatisation a en effet permis de pratiquement éliminer le temps d’attente des transporteurs, avec qui Familiprix peut donc avoir une meilleure relation.

« Avant, les transporteurs venaient « tirer » les commandes dans l’entrepôt et devaient donc attendre. Aujourd’hui, les camionneurs se présentent, et les commandes les attendent. Les camions ne font plus la file à l’entrepôt pour venir chercher les produits. Les camions sont chargés en temps réel, et ils repartent rapidement. On a amélioré grandement l’exactitude, mais surtout, dans le monde du transport avec la grande pénurie de main-d’œuvre, on est venu contrecarrer cette problématique avec l’automatisation. »

Le système a aussi permis de mieux gérer les variations de volumes, tant lors des périodes de pointe que durant les périodes plus creuses.

Une réussite, et un modèle

Albert Falardeau n’a aucune hésitation à parler de l’expérience de l’automatisation du centre de distribution de Familiprix comme une belle réussite.

« Si c’était à refaire, on le referait, mais peut-être un an ou deux plus tôt. On y a pensé au bon moment. Et on l’a fait au bon moment. Mais si la fenêtre d’opportunité s’était présentée un an ou deux plus tôt, on l’aurait prise. C’était nécessaire de faire ce qu’on a fait. Et ce, peu importe la taille de l’entreprise. »

L’automatisation du centre de distribution de Familiprix figure parmi les premiers projets du genre au Québec. L’expertise nécessaire étant peu ou pas disponible ici lorsque Billy Morneau a entamé le processus, il a dû se tourner vers les fournisseurs européens, bien en avance sur nous. Mais pour les prochains projets, et il y en aura, nous confie Albert Falardeau, l’entreprise espère pouvoir se tourner vers des fournisseurs québécois.

« Familiprix est une entreprise d’ici. Si le Québec avait eu cette expertise, c’est sûr qu’on aurait pris des gens d’ici. Je vois poindre des entreprises à l’heure actuelle qui bientôt n’auront rien à envier aux géants européens et américains de l’automatisation. Le prochain projet, c’est sûr qu’on va regarder les gens d’ici qui sont capables de nous aider. »

Billy Morneau confirme qu’il voit une grande différence entre le moment où il a débuté sa recherche en solutions d’automatisation et aujourd’hui.

« Il y a un pôle logistique qui s’installe, spécialement dans le Centre-du Québec, entre Québec et Montréal, et il y a vraiment beaucoup de développement. Et pour nos prochains projets, c’est clair qu’il va falloir regarder chez nous. Le Québec est en train de se réapproprier sa productivité. »

Par Claude Boucher

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