Une mobilisation collective pour surmonter le défi de la pénurie de main-d’œuvre

La pénurie de main-d’œuvre n’est pas une bonne nouvelle, comme certains peuvent le suggérer. Entre l’augmentation des coûts et des salaires, les PME ont plus que jamais besoin d’un coup de main. De main-d’œuvre, précisément, de talent, de personne pour simplement pouvoir fonctionner et fleurir.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) sonne l’alarme et appelle à une mobilisation collective pour répondre à la crise de la pénurie de main-d’œuvre sévissant au Québec. François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI, écrivait récemment une lettre ouverte au Premier ministre pour rappeler l’importance d’œuvrer tous ensemble à trouver des solutions au problème.

81 %. La pénurie de main-d’œuvre génère des effets néfastes pour 81 % des PME, selon un rapport de recherche publié par la FCEI[1] . Plus précisément, 64 % des PME québécoises subissent la pénurie de main-d’œuvre, à cela, s’ajoute 17 % des PME qui, ayant retrouvé leur personnel en totalité, subissent des coûts supplémentaires en raison de cet enjeu. Un chiffre alarmant et éloquent qui en dit long sur la situation des entreprises. « L’enjeu s’aggrave chaque jour et fait désormais figure de véritable rouleau compresseur pour les PME québécoises. Aucun secteur, aucune région n’est épargné », rappelle François Vincent.

Comment cela se vit-il concrètement sur le terrain? Les impacts sur les entreprises, les citoyens, et, à plus grande échelle, l’économie, sont multiples. « D’abord, pour faire face au manque d’employés, 63 % des dirigeants d’entreprises déclarent à la FCEI travailler plus d’heures, 45 % pour les employés. Les entrepreneurs sont ensuite 39 % à refuser des ventes ou contrats, et finalement 26 % à annuler ou reporter des projets d’entreprise », détaille le vice-président.

François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.

La pression augmente pour les PME des différents secteurs économiques. En effet, un rapport de la FCEI[2]  fait ressortir que les secteurs de la construction (67 %) et du manufacturier (45 %) sont particulièrement touchés par la pénurie de main-d’œuvre. De même que, la restauration (48 %) dépassant ainsi la moyenne des PME québécoises refusant des ventes.

Par ailleurs, selon les données de Statistique Canada, les postes vacants au Québec pour toutes les industries sont passés de 126 730 au 4e trimestre de 2019 à 238 140 pour le 4e trimestre de 2021, soit une augmentation de 88 %. Cela est particulièrement important pour les secteurs de l’hébergement et de la restauration (+ 155 %), la construction (+ 94 %) et le manufacturier (+ 92 %).

Les nombreuses restrictions économiques dues à la situation sanitaire ont grandement fragilisé la santé des PME québécoises et engendré une dette moyenne de 108 000 $. Leur rétablissement a commencé, mais il prendra du temps. De nombreux obstacles freinent la reprise. Les entrepreneurs ont de la difficulté à recruter, doivent investir davantage en formation ou ne trouvent tout simplement pas les candidats nécessaires au fonctionnement de leur entreprise. « Une voiture ne peut pas rouler correctement lorsqu’il lui manque une roue. C’est ce qui se passe actuellement avec la pénurie de main-d’œuvre. Le Québec roule à pleine vitesse avec une voiture n’ayant pas toutes ses roues et le conducteur ne se concentre que sur l’odomètre et s’en félicite. C’est bien beau, mais on va prendre le décor plus vite qu’on le pense », image François Vincent.

Pour les plus petites entreprises, l’enjeu peut représenter un véritable casse-tête de 5 000 morceaux, car un poste vacant représente une part plus importante de leur main-d’œuvre totale. « Pour la moitié des entreprises au Québec qui ont moins de 5 employés, perdre un employé représente 20 % ou plus de leur force de production! », analyse M. Vincent.

Pour tenter de pallier leur manque d’employés, mais surtout, les garder, les chefs d’entreprise augmentent les salaires. Selon l’indice du Baromètre des affaires de la FCEI, jamais les projections d’augmentation salariale n’ont été aussi élevées. « Depuis le début de l’année 2022, nous battons de nouveau le record du mois précédent. Beaucoup de dirigeants de PME nous confient augmenter le salaire de 10, 15, voire de plus de 35 %! Mais en même temps, ces entreprises sont freinées dans leur croissance par le manque d’employés », informe M. Vincent.

Mais augmenter les salaires tous azimuts n’a, semble-t-il, jamais réglé le problème. Un entrepreneur en services géo scientifiques, membre de la FCEI, a augmenté son échelle salariale de 42 % pour tenter de recruter des employés. Mais rien n’y fait, et il refuse aujourd’hui trois fois plus de contrats qu’il ne peut en conclure. 

Aussi, la FCEI est contactée par des membres qui n’ont d’autres choix que de fermer boutique à cause de la pénurie de main-d’œuvre. C’est notamment le cas d’un gérant de dépanneur qui, faute de trouver des employés pour l’aider, se voit contraint de mettre la clé sous la porte, après douze ans d’activité. Pourtant, ce monsieur a tout essayé : augmenter les salaires, réduction des heures d’ouverture, aides gouvernementales… Rien n’y a fait. Ailleurs, un ébéniste ne trouvant pas de main-d’œuvre a été obligé de retourner à l’ouvrage, à près d’un an de la retraite. Il fermera les portes de son atelier prochainement, faute de candidats.

« La hausse des salaires ajoute une pression supplémentaire sur les épaules des PME. Ce sont 82 % des PME qui ont augmenté leurs salaires en raison du manque de personnel et la moitié de ces entreprises jugent que la mesure n’a pas été utile. De plus, on vit actuellement les pressions fortes de l’inflation. Pour 60 % des PME québécoises, l’augmentation des coûts entraîne un impact négatif significatif sur leurs activités. C’est un cercle vicieux : la hausse des salaires entraîne une augmentation des prix, des heures travaillées par les chefs de PME et par les employés, mais une réduction des marges bénéficiaires voire des prévisions de croissance … bref, un cocktail nocif pour les entreprises déjà mal en point », ajoute M. Vincent.

D’ailleurs, la belle province est celle qui est la plus touchée au Canada par la pénurie de main-d’œuvre. Mais alors pourquoi le Québec vit-il une telle crise de main-d’œuvre? Inadéquation des qualifications, manque de candidats, vieillissement de la population, seuil d’immigration et perturbations du marché du travail sont les principales causes.  

L’impact sur la population se fait également sentir. En effet, d’après un sondage Léger réalisé auprès de 1 000 Québécois pour le compte des associations patronales provinciales, seulement 26 % des répondants considèrent que le gouvernement n’en fait pas suffisamment pour régler la pénurie de main-d’œuvre. De plus, 86 % d’entre eux s’inquiètent des répercussions de cette rareté de main-d’œuvre sur la qualité, le prix et la disponibilité de leurs biens et services.

Mais alors, qu’est-ce que le gouvernement peut faire pour tenter de relever ce défi de taille? La FCEI a proposé plusieurs pistes de solutions. En effet, elle a soumis douze recommandations en décembre dans sa recherche nationale pour aider à surmonter les défis démographiques, atténuer les impacts de la pandémie et corriger les inadéquations au sein du marché du travail. De plus, elle a partagé à de nombreuses reprises les demandes des PME, basées sur les sondages adressés à ses membres. 

« Le gouvernement a en sa possession plusieurs outils pour agir davantage. Baisser les taxes sur la masse salariale et l’impôt des PME, rendre accessibles à toutes les PME les crédits d’impôt et incitatifs gouvernementaux pour attirer des travailleurs, augmenter le niveau d’immigration, améliorer l’accompagnement des PME et la communication des programmes disponibles, et le développement de l’automatisation très plébiscité chez les entrepreneurs. Une chose est sûre, il est temps d’en faire plus et de mobiliser les forces vives de la société civile québécoise », estime François Vincent.

Au Québec, la pénurie de main-d’œuvre engendre de nombreux effets négatifs qui dépassent largement les effets positifs. « Avec le vieillissement de la population, l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre ne disparaîtra pas demain. Nous vivrons ces répercussions encore de nombreuses années. C’est pourquoi il faut traiter cet enjeu de société de front dès maintenant en assurant d’inclure toutes les forces vives du Québec. Plus on attend, plus les incidences seront grandes et plus le dénivelé sera dur à surmonter », conclut François Vincent.

[1] Retour en force des pénuries de main-d’œuvre (cfib-fcei.ca)

[2] PowerPoint Presentation (cfib-fcei.ca)

Par François Vincent, vice-président pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante


D’autres dossiers exclusifs du Magazine MCI pourraient vous intéresser

Laisser un commentaire

En savoir plus sur

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading