Le premier volet de ce dossier d’information portera sur les possibilités qu’ouvre l’univers de l’automatisation et présentera un aperçu des réalisations de deux grands intégrateurs de solutions d’automatisation actifs au Québec s’inspirant des meilleures pratiques de partout dans le monde. Dans un deuxième temps, nous aborderons sous forme de conseils pratiques les différentes étapes menant à l’implantation réussie de systèmes manufacturiers automatisés.
Festo et AGT Robotics ont ceci en commun qu’ils sont des intégrateurs de solutions d’automatisation, pas des fabricants de robots.
Leur mission est d’identifier les besoins d’une chaîne d’assemblage ou de fabrication – positionneurs, actionneurs, cueillette de pièces, soudage de précision, etc. – et d’agencer les composantes pneumatiques, électriques, mécaniques ou hydrauliques appropriées permettant de l’optimiser.
« L’automatisation, pour effectuer ne serait-ce qu’une seule tâche répétitive à la place d’un être humain peut améliorer de 50% ou 60% le rythme de production », évalue Patrice Charlebois, directeur segment de marché – alimentaire et emballage chez Festo Canada.
Denis Dumas, directeur des ventes et du marketing chez AGT Robotics fait quant à lui valoir que l’automatisation peut être particulièrement précieuse dans les entreprises qui traitent de nombreuses pièces différentes, mais chacune en petit nombre (low volume, high mix). « Un robot est plus flexible. Là où une CNC ne va être capable de faire, par exemple, que des ronds ou des demi-ronds et des tubes, le robot pourra faire toutes sortes de formes. C’est tout à fait différent comme type de production », explique-t-il.
S’inspirer de la nature
De son côté, Festo demeure fidèle à sa tradition et n’hésite pas à s’inspirer de la nature et du monde animal pour innover. La firme, qui investit 7% de son chiffre d’affaires en recherche et développement, a élaboré un préhenseur, le FlexShapeGripper, dont le fonctionnement s’apparente à celui du bout de la langue d’un caméléon, qui peut attraper pratiquement n’importe quoi, de n’importe quel angle.
Une telle dextérité mécanique peut s’accompagner de reconnaissance visuelle. Cette combinaison d’habiletés peut contribuer à réduire l’espace requis dans un centre de distribution en plaçant, à titre d’exemple, des stylos de couleurs différentes dans un même bac et de faire de la cueillette mixte.
Encore faut-il que les machines en question aient été correctement programmées, rappelle M. Dumas. Dans certains cas, un dispositif rappelant un « joystick » suffira à la programmation, la machine répétant une séquence d’opérations d’abord effectuée par un être humain.
Mais la méthode a ses limites. « Lorsque tu programmes, ton robot est occupé à programmer, il n’est pas occupé à produire », illustre l’expert d’AGT.
On peut cependant franchir les frontières de l’intelligence artificielle avec de de la modélisation 3D, de la programmation hors ligne qui ne perturbe pas les activités de production et de l’auto-programmation. C’est d’ailleurs ce qui a permis à AGT avec sa solution de soudage robotisé BeamMaster et le système logiciel Cortex de remporter le Prix FANUC, décerné par ce grand fabricant japonais de robots aux meilleurs intégrateurs de ses produits.
À la portée de tous
Tout cela peut donner le tournis mais il convient de rappeler que les systèmes d’automatisation ne sont pas tous aussi complexes et n’ont souvent pas à l’être. « L’automatisation n’est pas nécessairement un virage à 180 degrés. Il faut souvent avancer un petit pas à la fois », rassure M. Charlebois.
Ce type de rappel est souvent nécessaire pour venir à bout de la résistance au changement de certains entrepreneurs. « Le manque de connaissances engendre la peur », ajoute l’expert de Festo.
Parmi les secteurs d’industrie « sous-automatisés » à fort potentiel de croissance qu’identifie Patrice Charlebois se trouvent l’aéronautique (« Construire un avion se fait encore manuellement à environ 80% », dit-il.) et la transformation alimentaire.
Denis Dumas, lui, voit de belles opportunités d’automatisation pour AGT Robotics du côté des fabricants de bennes de camions, de remorques de transport en aluminium, de balcons métalliques ou de conduits de chauffage, ventilation et climatisation.
Les seules limites sont celles de l’imagination humaine parce qu’en bout de ligne, jusqu’à preuve du contraire, ce sont toujours les êtres humains qui conçoivent les machines qui ultimement accomplissent des tâches à leur place.
Pensez-y la prochaine fois que vous cocherez la case « Je ne suis pas un robot » sur un site Web.
Le monde des affaires est souvent comparé à une jungle où seuls les plus forts (ou les plus malins) survivent par sélection naturelle. L’automatisation des processus manufacturiers ne fait pas exception et, pour en récolter les fruits, les entrepreneurs doivent d’abord faire leurs devoirs.
La question n’est pas de savoir si vous devez avoir recours à une forme ou une autre d’automatisation, mais plutôt quand et comment vous devrez le faire. Parce qu’avec la pénurie de main-d’œuvre qui sévit au Québec comme dans nombre d’autres sociétés industrialisées, il faut inévitablement recourir à des machines pour maintenir et accroître le rythme de production tout en en rehaussant le niveau de qualité.
La première étape consiste à établir votre plan de match. Quelles sont vos capacités de production actuelles? Sont-elles suffisantes? Qui sont vos concurrents, quels sont vos objectifs de croissance et comment entendez-vous gérer cette croissance? Comment l’automatisation peut-elle vous aider à atteindre vos objectifs avec des partenaires locaux?
Le Regroupement des entreprises en automatisation industrielle (REAI) peut se révéler une ressource intéressante à cet égard. Le mandat de cet organisme est justement d’accompagner les gens d’affaires dans leur virage technologique.
Le contact avec une firme de ressources conseils en automatisation peut s’établir à l’occasion de la visite d’un de leurs représentants. Sinon, vous ne devez pas hésiter à cogner à la porte de l’une de ces entreprises pour leur parler de vos projets.
Que les manufacturiers viennent demander l’appui de professionnels de l’automatisation sans même avoir été sollicités, « C’est très courant, c’est 80% et plus », estime Denis Dumas, directeur des ventes et du marketing chez AGT Robotics. La firme se spécialise dans les applications de charpentes métalliques et la rareté des travailleurs incite plusieurs de ses clients à demander de l’aide. « Le fait qu’il y ait de moins en moins de soudeurs disponibles sur le marché, ça crée un besoin chez les manufacturiers », ajoute-t-il.
Patrice Charlebois, directeur segment de marché – alimentaire et emballage, chez Festo Canada, abonde dans le même sens. Lui aussi indique qu’il est relativement courant que des clients manufacturiers fassent les premiers pas vers son entreprise pour matérialiser un projet, même si la force de vente de Festo est présente sur tout le territoire. Pour lui, cela illustre l’importance du travail d’équipe et du partenariat en matière d’automatisation.
Il arrive encore parfois que des gens arrivent avec des idées ou des projets encore jamais vus, dit M. Charlebois. Cela touche rarement les fondements mêmes de la science de l’automatisation mais on peut tout de même y voir un signe de la vigueur créative des entrepreneurs québécois selon lui.
Une fois le projet défini, prévoyez la formation de vos employés qui devront composer avec de nouveaux outils. Selon l’expert de Festo, le manque de connaissances technologiques au sein des entreprises manufacturières québécoises constitue leur principal talon d’Achille. Pour pallier cette lacune, Festo offre des séminaires de formation ou même la mise sur pied de programmes de formation en entreprise via sa division Didactic. Le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) utilise d’ailleurs les solutions Didactic pour ses propres initiatives de formation aux entreprises.
Du côté d’AGT, Denis Dumas estime quant à lui qu’au fil des ans, les gens du secteur manufacturier se sont « éduqués » en matière d’automatisation, par obligation au moins autant que par choix. Notamment en raison de la rareté de main-d’œuvre, ils s’intéressent davantage et sont de plus en plus ouverts au concept d’automatisation.
Bien sûr il est dans la nature humaine d’avoir une certaine résistance au changement mais vous devrez affronter vos craintes et les apprivoiser afin de progresser en automatisation et en productivité. Le porte-parole d’AGT se veut rassurant à cet égard. « Quand on entre dans une entreprise, on est là pour aider. On ne vient pas seulement installer un système de soudage et s’en aller ensuite », illustre-t-il.
Les entrepreneurs doivent saisir les différentes opportunités de subventions, de crédits d’impôt ou autres formes d’aide financière de l’un ou l’autre des paliers de gouvernement, même si cela demande de la recherche parmi le bouquet de programmes qui existent.
Bien sûr, cela vient avec son lot de formulaires à remplir. « Ça peut prendre des mois pour venir à bout de toute la paperasse et des approbations », se désole M. Charlebois. Mais une fois de plus, on n’a rien pour rien.
Un autre défi au financement peut venir de la méconnaissance des solutions d’automatisation du côté des institutions financières, qui ne voient pas toujours la valeur qu’elles ajoutent à une entreprise et la solidité qu’elles représentent à titre de garantie de prêt.
La préparation d’un solide plan d’affaires facilitera cette étape, en particulier s’il inclut des données documentées quant au retour sur l’investissement. Certains systèmes d’automatisation se paient d’eux-mêmes en à peine deux ou trois ans, indique M. Dumas; alors n’hésitez pas à le préciser à votre banquier.
Enfin, pensez à la valeur de vos ressources humaines. L’automatisation et la robotique libèrent des employés de tâches répétitives ennuyantes, qui peuvent même avoir une incidence sur leur santé et, par conséquent, vos primes de CSST.
Ces mêmes employés connaissent déjà votre entreprise et, avec la formation adéquate, peuvent lui rendre de fiers services autrement. Il peut s’agir de tâches administratives, liées à l’expédition ou à l’entretien par exemple. « Lorsque les entreprises investissent dans leurs gens, aucun emploi n’est perdu en raison de l’automatisation », assure l’expert de Festo.
Par Eric Bérard
Voir le dossier complet dans l’édition août/septembre 2019 du Magazine MCI