Secteur manufacturier: le grand paradoxe de l’emploi

«On ne prévoit pas une forte création de nouveaux emplois, mais bien une hausse des remplacements. Cela pourrait représenter près de
700 000 emplois, tous secteurs confondus», mentionne Louis-Philippe Tessier-Parent, économiste à Emploi-Québec.

Selon les prévisions, les secteurs qui connaîtront les plus fortes hausses de l’emploi sont : le matériel de transport, les produits en caoutchouc et plastique, les produits métalliques, les machines et les aliments, les boissons et le tabac.

À l’inverse, des pertes pourraient être enregistrées pour les secteurs des vêtements et des produits en cuir, des impressions et des activités connexes, ainsi que du textile et produits du textile.

Joëlle Noreau, économiste principale au Mouvement des caisses Desjardins, est réticente à donner une étiquette négative à certains secteurs manufacturiers. Elle considère que certains préjugés perdurent si longtemps qu’ils en deviennent néfastes pour le recrutement.

Elle prend l’exemple du secteur des pâtes et papiers que plusieurs croient mort. «Il faut voir comment les entreprises s’en sortent et sont combatives. La saignée dans le secteur manufacturier s’est atténuée. Les entrepreneurs sont des gens tenaces, et certains secteurs que l’on croyait perdus sont bien vivants.»

Une rareté de main-d’œuvre et des pertes d’emplois

Après d’énormes pertes d’emplois au début des années 2000, le secteur manufacturier a retrouvé une certaine stabilité. Certains mois sont plus difficiles que d’autres, comme ce fut le cas en décembre dernier avec
18 100 emplois en moins, mais, dans l’ensemble, l’équilibre règne.

Simon Prévost, président de l’association Manufacturiers et exportateurs du Québec, confirme que, effectivement, certaines entreprises font des mises à pied, mais, paradoxalement, il rappelle que d’autres manquent cruellement de main-d’œuvre.

Il nomme cette situation l’inadéquation de l’offre. «Les offres ne sont pas comblées parce que les endroits où l’on trouve des pénuries ne sont pas situés dans des régions avec un fort pouvoir d’attraction. Les gens sont réticents à bouger.»

Pour contrer cette situation, M. Prévost suggère de créer un incitatif financier, comme une prime d’éloignement. Il recommande aussi aux immigrants de s’installer ailleurs que dans les grands centres.

Un autre problème réside aussi dans le fait que même si la main-d’œuvre est disponible, celle-ci n’est pas suffisamment formée ni attirée par ce secteur d’activité. Peu connus, pas très séduisants et entourés d’une panoplie de préjugés, malgré des salaires alléchants pouvant être de
25 à 30% plus élevés que ceux de la moyenne québécoise, les emplois dans ce type d’entreprises sont victimes d’un manque de diffusion positive.

«Ce que l’on entend, c’est qu’une usine n’est pas sécuritaire, que c’est sale, que l’économie du savoir n’y a pas sa place, etc. Pourtant, nous sommes loin des entreprises de nos grands-pères. Il se fait énormément de recherche et développement et, souvent, un opérateur peut manœuvrer des machines qui sont plus dispendieuses qu’une
Formule 1», commente M. Prévost.

S’investir : la solution

IBM à Bromont a compris qu’elle devait s’investir si elle voulait recruter du personnel qualifié. L’entreprise n’a donc pas hésité à s’associer au Cégep de Granby.

Elle fournit de l’équipement similaire à celui qu’on trouve dans son usine et travaille en collaboration avec le corps enseignant pour élaborer un plan de cours qui correspond aux besoins de l’industrie. Elle offre aussi des stages aux étudiants, s’assurant ainsi de les suivre pas à pas au cours de leurs études.

Évidemment, ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont les ressources nécessaires ou qui connaissent suffisamment les rouages du système de l’éducation pour entreprendre une telle démarche. Toutefois, pour M. Prévost, une présence lors des Journées carrière est un pas de plus vers la reconnaissance.

«Lors de ces journées, 70% des exposants sont du secteur des services, seulement 30% sont des manufacturiers. Il faut attirer l’attention et on va convaincre les industriels d’être présents lors de ce type de journées.»

Une autre solution pour se faire connaître auprès de la relève est le programme Zone M. Initié par Manufacturiers et exportateurs du Québec, celui-ci invite les entreprises manufacturières de partout au Québec à ouvrir leurs portes aux jeunes de 15 à 24 ans.

À cela s’ajoutera bientôt une autre formule qui proposera le même genre de visite, mais à des jeunes qui sont déjà en processus de formation. «Il y a une grande pénurie de main-d’œuvre dans tous les métiers de maintenance : mécanicien, électromécanicien, etc. On veut que les gens qui étudient dans ces domaines puissent envisager une carrière dans le secteur manufacturier», souligne M. Prévost.

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